Quand TOTO annonce sa reformation, fin 2013, la surprise est presque aussi grande que le nouveau PINK FLOYD l’été dernier. Et quand en plus on apprend qu’un nouvel album est dans les tuyaux, on ne peut que se réjouir, même si "Falling In Between", sorti il y a presque 10 ans, clôturait leur carrière à l’époque, de la plus belle des manières.
Inutile de présenter le groupe : musiciens de studio redoutables, ayant officié un peu partout, de Boz Scaggs à Lionel Richie, en passant par Michael Jackson, le groupe est à l’origine de gros tubes planétaires (« Rosanna », « Africa »…) et a connu plusieurs changements de line-up.
En 2015, en dehors du noyau immuable (Lukather et Paich en tête), c’est désormais le retour de Joe Williams derrière le micro pour la première fois depuis 25 ans, celui de David Hungate à la basse et l’arrivée de Keith Carlock (STEELY DAN, Sting…) derrière les fûts, après le départ de Simon Phillips l’an dernier. Dire que ce disque est attendu relève de l’euphémisme : d’abord annoncé pour fin 2014, c’est donc au début du printemps qu’il sort enfin. L’attente est énorme… et le plancher, savonneux, comme souvent dans ces cas-là.
La marque de fabrique du groupe est immuable depuis ses débuts : refrains imparables, production impeccable et arrangements soignés. Or, ce qui frappe ici d’emblée à l’écoute de "Toto XIV", c’est le côté offensif et presque heavy (« Running Out Of Time », « Holy War »…). On reconnaît ici clairement la patte de Lukather mais le problème est que l’on a connu le guitariste beaucoup plus en forme sur ses albums solo. Les mélodies sont à la peine et les titres ont beau tabasser (« Unknown Soldier »), et être surarrangés, ils ne décollent jamais vraiment. Seul « 21st Century Blues » (qui fait penser à d’autres blues déjà entendus chez Lukather, dont « Extinction Blues » sur l’excellent "Candyman"), sort un peu son épingle du jeu grâce à un refrain correct et agréable, sans plus. En parlant de refrain, celui de « Burn », autre titre du guitariste est en revanche criard et particulièrement pénible. On passera ensuite rapidement sur des morceaux de remplissage dispensables comme la ballade un peu mièvre « The Little Things » ou le carrément inutile « Fortune » pour se consacrer sur les trop rares chansons qui méritent que l’on s’y attarde un peu. Il y a une jolie ballade, « All The Tears That Shine », qui évoque « Lea » sur "Farenheit", mais qui brille plus par la délicatesse de ses arrangements que par sa mélodie. C’est en fait sur les compositions plus élaborées et moins attendues que le groupe excelle encore, à l’image de « Orphan » et ses différents breaks imprévus et réussis (comme ceux de « Unknown Soldier », au demeurant) ou de « Chinatown » (dont la rythmique rappelle furieusement « Georgy Porgy »), chanté à trois voix et qui est sans doute le meilleur titre de l’album. C’est en effet dans ce genre que les Américains font toujours montre de leurs inépuisables ressources techniques : ruptures de tempo, changements de voix, de tons, d’harmonies : on n’a décidément pas à faire à des néophytes, ces messieurs connaissent leur métier et cela s’entend. Une mention spéciale au morceau final, « Great Expectations », où l’influence de David Paich est évidente : composition à tiroirs, de près de 7 minutes, complexe, technique et très progressive dans l’âme.
Certes, le groupe a connu quelques rares creux de vague ("Tambu", "Mindfields") mais ces albums recelaient malgré tout leur lot de pépites. Ici, on aura beau creuser et chercher on ne trouvera hélas pas grand chose. "Toto XIV" est donc le premier véritable faux pas dans une carrière jusque là quasi irréprochable. Ce n’est pas un mauvais disque pour autant : s’il s’agissait du premier album de débutants, on le qualifierait même de très prometteur.
Mais voilà, TOTO a dépassé ce stade depuis 35 ans et nous a habitués à beaucoup mieux depuis.