10 mai 2015, 12:26

BAD COMPANY : Paul Rodgers

rééditions des albums "Bad Company" et "Straight Shooter"

Il est parfois difficile de discerner le bon du mauvais en cette époque où les maisons de disques rééditent album sur album à tout-va. Si la tendance a été lancée depuis quelques années déjà, les rééditions des albums LED ZEPPELIN initiées par Jimmy Page en 2014 ont remonté le niveau de la simple sortie remasterisée, avec cette fois-ci un vrai regard au travers du prisme du passé pour l’auditeur qui se retrouve en studio avec le groupe, et découvre des prises alternatives de ces monuments de l’histoire du rock.

Au mois d’avril dernier c’est le groupe BAD COMPANY qui a également franchi le pas en sortant des versions augmentées de ses 2 premiers albums « Bad Company » et « Straight Shooter ». On en discute avec la légende, la voix, Paul Rodgers.

 

Avec ces rééditions vous ne vous êtes pas seulement contentés de ressortir ces albums, mais aussi de les agrémenter de chutes studio, de prises alternatives…
Oui, c’était une idée de notre maison de disques. Le but était de montrer tout le processus qui a mené à la création de ces albums. Il faut dire que quand tu te rends en studio, tu essayes plein de choses, des prises alternatives, des tonalités différentes… puis tu t’arrêtes sur une idée, et tu oublies le reste ! Ils ont donc retrouvé ces archives et nous les ont envoyées. Je dois te dire que j’étais un peu sceptique au début, je me suis dit : « à quoi bon sortir des choses que nous avions écartées à l’époque ? ». Mais après avoir tout réécouté j’ai été très surpris de découvrir toutes ces prises alternatives qui ont mené à la naissance de ces chansons, de ces albums. Après tout, ça reste très intéressant pour les fans.

En écoutant ces albums on a vraiment le sentiment que vous expérimentiez beaucoup en studio, non ?
Oh oui, c’est bien vrai ! D’ailleurs, je pense qu’on expérimentait encore plus en répétitions. J’aime que tout le travail soit fait en répétitions car quand tu es en studio, chaque seconde compte et ça peut te coûter cher si tu fais n’importe quoi ! Après, même en studio on avait encore des idées donc les chansons pouvaient encore changer. On peut dire que ce qu’on entend sur ces rééditions sont les dernières étapes de ces expérimentations. J’ai été très surpris de retrouver la version de « Can’t Get Enough » avec de l’orgue Hammond, je pense que c’est Mick qui avait voulu essayer ça… mais à l’époque on avait trouvé que ça n’allait pas. Ça enlevait le côté heavy, rock ’n’ roll, basique de la version originale. On y trouve aussi une version de « Feel Like Makin’ Love » dans sa version la plus brute, sans harmonies, sans solo de guitare… et les gens l’adorent ! (rires) Donc voilà, tu ne sais jamais, tout ce que tu peux faire, c’est suivre ton instinct ! (rires)

Avec l’arrivée du digital, beaucoup de maisons de disques ont jeté les bandes d’albums parfois cultes par gain de place, ce qui rend impossible la sortie de rééditions dignes de ce nom…
Les bandes ont été entreposées dans un endroit sûr par la maison de disques, sans quoi nous n’aurions pas pu les sortir en format vinyle. Tu sais, pour presser un vrai vinyle, il faut que ça provienne d’une bande afin d’avoir le son original. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que parfois les maisons de disques digitalisent les bandes et pressent les vinyles à partir de ça ! Ce n’est pas ce qu’on a fait, ces vinyles ont été réalisés à l’ancienne, comme beaucoup de gens l’apprécient encore, tout comme moi ! (rires)  
 

 
 

"...pour la chanson « Rock Steady », je l’ai apprise au groupe pendant qu’on l’enregistrait !" - Paul Rodgers

 

Ce qui est aussi génial, c’est d’avoir inclus des extraits de vous en train de discuter et de délirer en studio…
Oh oui ! Il faut dire qu’aujourd’hui les gens aiment de plus en plus voir ce qu’il se passe en coulisses. Ça se voit de plus en plus à la télévision d’ailleurs… Quand on a enregistré ces albums, on a vraiment voulu donner le meilleur de nous-mêmes. Tout ce qui n’avait rien à voir avec la musique restait sur le pas de la porte. Il est vrai que ça donne une idée de l’ambiance qui pouvait régner en studio, bon pas totalement, bien entendu ! (rires) Mais oui, c’est comme si vous étiez en studio avec nous pendant l’enregistrement de ces albums !

As-tu redécouvert des chansons dont tu avais oublié l’existence ?
Oui ! (rires) Ça m’a fait très plaisir de redécouvrir 2 chansons qui n’étaient jamais sorties : « All Night Long » et « See The Sunlight ». On les avait complètement oubliées ! En les réécoutant tout m’est revenu en tête : « Aaaah oui, c’est vrai ! ». Je me suis aussi demandé pourquoi on ne les avait pas sorties. La seule raison que j’ai pu trouver, c’est qu’on ne pouvait pas mettre plus de 18 minutes par face sur un vinyle, sans quoi on perdait en qualité. Je pense donc qu’on avait voulu favoriser le son de l’album, plutôt que la quantité de chansons…

Si tu avais à fermer les yeux et à les rouvrir à cette époque… que verrais-tu ?
Eh bien, je verrais un groupe qui travaille dur et qui s’amuse beaucoup ! (rires) Tu sais, nous n’étions pas du genre à utiliser des subterfuges en studio. Je pense que tout le monde serait d’accord avec moi si je dis que notre priorité était non seulement d’enregistrer la meilleure prise possible d’une chanson, mais surtout de pouvoir la reproduire sur scène ! Si ce n’est en mieux ! On voulait que ça sonne live et pour parvenir à capturer l’essence d’une chanson comme ça, parfois il fallait faire des concessions et laisser quelques erreurs ! Tiens par exemple pour la chanson « Rock Steady », je l’ai apprise au groupe pendant qu’on l’enregistrait ! (il chante) « Turn on your light And stay with me a while and rock steady ! » (imite la batterie) et tu vois, je pense que Sam n’avait pas encore complètement compris cette partie, c’est pourquoi on peut l’entendre jouer quelque chose de légèrement différent sur la fin ! (rires) Mais en l’écoutant pour la première fois, je me souviens que je n’ai pas voulu la refaire, car tout était là ! L’essence de la chanson était capturée. C’était très important pour nous.

 

"On voulait simplement écrire la musique qu’on voulait entendre..." - Paul Rodgers



BAD COMPANY et FREE sont de véritables pierres angulaires dans l’histoire du rock, penses-tu souvent à ces années et à ce que tu as créé ou est-ce que ça te dépasse totalement aujourd’hui ?
Pour tout te dire, les seuls instants où j’y repense sont quand les gens me le demandent ! (rires) Tu sais, je suis quelqu’un qui va de l’avant, je ne regarde pas tant que ça derrière moi, mais quand j’y repense, ce qui me vient tout de suite à l’esprit c’est que nous suivions notre cœur. C’était très naturel, rien n’était calculé avec nous. On voulait simplement écrire la musique qu’on voulait entendre, on se disait : « Est-ce que j’aimerais entendre ça à la radio ? Oui ! ». On ne se souciait pas de savoir si les gens aimaient ce qu’on faisait. Bon bien sûr c’était important, mais on écrivait d’abord pour nous. Nous n’écrivions pas pour un marché. On se disait que si ça nous plaisait, avec un peu de chance d’autres gens allaient aimer aussi ! C’était notre devise en quelque sorte.

Penses-tu que ton rapport avec la musique a changé entre cette époque et aujourd’hui ?
La différence entre hier et aujourd’hui, c’est que la technologie a explosé. Je t’avoue ne pas être fan d’auto-tune, je déteste ça, tout comme le bidouillage en studio. Je n’ai pas de problème avec le fait d’améliorer quelque chose, avec de l’écho par exemple, même Elvis faisait ça ! (il chante) « Well since my baby left me ! » (rires) Donc voilà, j’aime quand ça peut apporter quelque chose, mais je n’aime pas quand c’est de la triche. Il faut que ça reste authentique. J’aime créer des ambiances, je pense que c’est très important dans une chanson. Tu sais, la chanson « Do Right By Your Woman » à la base a été enregistrée autour d’un feu de camp, mais on n’avait rien pu en faire à cause du bruit du feu ! (rires) On avait dû la reprendre en studio, mais ça avait créé une ambiance ! J’ai aussi enregistré le chant de « Bad Company » au milieu d’un champ en pleine nuit un soir de pleine lune ! C’est primordial pour moi de créer des ambiances. Tu ne peux pas faire ça avec la technologie, tout est si… machinal ! Ça me rend dingue… Pour moi, la musique ça vient du cœur.

D’autres albums de BAD COMPANY vont-ils recevoir le même traitement ?
Eh bien, si je me fie à mon expérience avec les maisons de disques… et je pense que j’en ai assez … (rires) Je te dirais que oui ! (rires) Ils ont encore plein d’archives en leur possession, et je dois dire qu’ils ont fait du très bon boulot pour l’instant. C’est authentique et très bien fait, ça peut faire plaisir à beaucoup de gens. J’en suis très heureux.

Blogger : Hugo Tessier
Au sujet de l'auteur
Hugo Tessier
Décidemment né trop tard, Hugo Tessier cultive sa passion pour le rock depuis son plus jeune âge. Avec U2 et THE POLICE dans le biberon, son cœur penchera finalement pour le hard rock des eighties qui à son tour lui fera découvrir de nouveaux horizons musicaux. Tantôt étudiant, musicien puis vendeur dans les festivals rockabilly, en septembre 2011 HARD FORCE le convainc de commencer à explorer les concerts de la région nantaise à peine avait-il déballé son unique carton dans sa chambre universitaire.
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