3 janvier 2016, 16:21

Lemmy Kilmister (1945 - 2015)

J’ai vu MOTÖRHEAD sur scène à trois reprises. Le 25 mai 2007, le 28 juillet 2010 et 23 octobre 2011. J’ai dû entendre parler de Lemmy Kilmister pour la première fois en 1994/1995, grâce au film Airheads, dans lequel il apparaît et au sujet duquel le personnage interprété par Steve Buscemi fait une blague exprimant en substance le respect que l’homme inspire à la scène heavy metal. J’aime MOTÖRHEAD depuis longtemps. Il est facile aujourd’hui d’affirmer que j’ai tout de suite su que ma passion pour ce groupe allait durer, mais c’est pourtant bel et bien vrai. Avec le temps, j’ai découvert les albums, et avec eux, la grande richesse d’une musique trop souvent incomprise par ceux qui n’y voyaient que du bruit ou encore l’expression brouillonne d’un talent somme toute ordinaire.

Du blues au rockabilly, en passant par le rock pur et dur, Lemmy a tout fait. Plus fort que tous les autres. Sa musique étant après tout relativement similaire à celles de ses éternelles idoles que sont Elvis Presley, Jerry Lee Lewis, Chuck Berry et Little Richard, que Lemmy considérait d’ailleurs comme le meilleur chanteur de rock’n’roll de l’Histoire. Non, MOTÖRHEAD n’a jamais fait de metal. « We are MOTÖRHEAD and we play rock and roll ». Une phrase que Lemmy répétait à chacun de ses concerts, comme pour entériner encore et encore l’identité de la formation née de l’éviction de Lemmy du légendaire HAWKWIND.

Musicien touché par la grâce, parolier de génie, capturant dans ses chansons l’essence de son époque et se posant comme l’observateur brut de décoffrage (mais non dénué d’un sens poétique) des travers de l’espèce humaine et de l’absurdité de sa violence, Lemmy était aussi un orateur incroyable. Enfin... pas un orateur au sens propre du terme, mais disons que chacune de ses interviews valait de l’or. Jamais avare de bonnes formules, il savait trouver les mots et possédait une façon unique de les exprimer. Sans filtre. Des mots auxquels il mettait également les formes. Sa parole était celle du rock’n’roll. A travers sa voix, forgée sur scène et dans les bars enfumés, s’exprimait un genre. Un mode de vie. Une philosophie. Ceux qui en doutent n’ont visiblement pas lu son autobiographie, La Fièvre de la ligne blanche. Un sacré livre ! Un bouquin dans lequel on peut d’ailleurs trouver la définition exacte du terme Rock’n’Roll. A toutes les pages. Dans la moindre ligne.



La dernière fois que j’ai vu Lemmy sur scène, à Toulouse, il était en pleine forme. Un des meilleurs concerts auxquels j’ai eu la chance d’assister. Comme les deux précédents. « Overkill », « Ace Of Spades », « 1916 », ou plus récemment « Motörizer », « The Wörld Is Yours » ou encore l’ultime et flamboyant « Bad Magic » sont autant d’albums qui comptent. Pour moi mais aussi pour un genre musical qui vient de perdre l’un de ses plus dignes représentants. Quand j’ai appris la nouvelle, bien sûr, j’ai eu de la peine. Pourtant, il est d’après moi important de prendre conscience que Lemmy a jusqu’au bout été le maître de son existence. Electron libre, génie sous-estimé, il n’a jamais rien lâché et a toujours été fidèle à ses idéaux. Lemmy a toujours fait ce qu’il aimait. Toujours fait ce qu’il voulait.

Généreux, respectueux, il n’a jamais dévié. Il rejoint le panthéon des rock-stars. Sans forcément l’avoir cherché, il est devenu une icône. En suivant sa voie sans se soucier des modes, de la bienséance... « Nous jouons pour nous. Pas pour vous. Si vous aimez, c’est juste un bonus. » Pour moi, Lemmy était plus que le leader de MOTÖRHEAD. Depuis que j’ai fait sa connaissance, il ne m’a jamais quitté. Je suis content d’avoir pu le voir à son meilleur. Sa musique me donne de la force. Son éloquence, sa façon d'appréhender la vie, son humour et tout ce que j'ai pu retirer de son œuvre, ont eu (et ont toujours) une influence considérable sur moi. Ses paroles me font rire et me donnent à réfléchir. Le fait qu’il vienne de tirer sa révérence n’amoindrira en rien la portée de ce qu'il a accompli.

Désormais, plus que jamais, tout ceci appartient à la légende, à jamais gravé dans les tables de loi du rock’n’roll. Dans un sens, il était le dernier de son espèce. Celui qui, jusqu'au bout, n'aura jamais fait le moindre écart, au regard de sa propre éthique. Bien entendu, je ne peux pas m’empêcher de penser aux albums qu’il aurait pu concocter dans le futur, mais je préfère me tourner encore et toujours vers sa musique. Réécouter les disques, relire les livres et les interviews, revoir le formidable documentaire que deux passionnés lui avait consacré... Observer son influence sur la jeune garde. Sur ceux qui continuent de représenter le rock’n’roll face à ces fameux pisse-froid que Lemmy contrariait tant.

La première fois que j’ai vu Lemmy Kilmister sur scène, j’ai été impressionné par son charisme. Par la puissance de sa musique bien sûr, mais aussi par l’homme. Lemmy était poli, avenant et cultivé. Dans le tumulte de ce monde, sa voix et sa basse Rickenbacker ont toujours résonné avec une justesse inégalée. Sur scène, le « We are Motörhead, and we play rock’n’roll » était précédé de ces quelques mots : « Don’t forget us ». Ne nous oubliez pas. Cela va de soi Lem’ !


Blogger : Gilles Rolland
Au sujet de l'auteur
Gilles Rolland
Walk this way... Un riff légendaire et le début d'une passion vorace qui depuis, se nourrit des brûlots des DOORS, BEATLES, MOTÖRHEAD, PEARL JAM, FOO FIGHTERS, PANTERA, BLACK SABBATH, GUNS N' ROSES, TENACIOUS D ou QUEENS OF THE STONE AGE. Rédacteur musique et cinéma depuis une dizaine d'années pour divers magazines et autres sites web et ancien animateur radio, Gilles avoue volontiers une nette tendance pour le rock old school. Les groupes des années 60, 70, 80 et 90, avec une mention pour les destins cramés. Les Mötley Crüe, les Iggy, Brian Wilson, Alice Cooper ou les Steven Adler (pour la rime). Une passion qu'il s'efforce de traduire avec un clavier d'ordinateur, sa profession. Une passion que Gilles aime partager. Dans les concerts ou en ligne. Le rock, le roll, le heavy, le hair... le panorama est vaste ! À écouter à fond les bananes, potards à 11 !
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3 commentaires

User
Karl Libus
le 03 janv. 2016 à 19:19
Bel hommage Gilles...
User
Alex Lefer
le 03 janv. 2016 à 19:46
L'hommage de Gilles Roland complète le bon reportage d 'Arte
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KillMunster
le 04 janv. 2016 à 12:41
L'hommage d'Arte, pour ceux qui, comme moi, connaissent Motörhead depuis des années, bon... Je n'en dirai pas plus ! Par contre, celui de Gilles est très juste et exprime bien ce qui faisait le charme du bonhomme ! Les musiciens dans lesquels je me reconnais ne sont pas légion. Le grand Lem' était certainement le seul...
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