2 mars 2016, 18:21

Marco Mendoza (THE DEAD DAISIES)

Guérison, abstinence, rédemption… Un beau message de prévention


www.sos-addictions.org


Nous avons rencontré Marco Mendoza en juin dernier lorsque THE DEAD DAISIES jouait en première partie de KISS à Paris. Après une interview avec Marco et John Corabi à propos de leur groupe (à voir ici), nous avons poursuivi un échange plus personnel avec Marco sur le parking du Zénith. Il a notamment parlé des addictions dont il est guéri depuis 28 ans. Un mois plus tard, il s’est mis à nu… Guérison, abstinence, rédemption… Un beau message de prévention !


C’est quoi pour toi un comportement addictif pathologique ?
C’est quand tout devient obsédant, compulsif, que tu as envie de consommer sans pouvoir te contrôler et que cela commence à toucher sérieusement ta vie. J’ai commencé tôt à consommer, je voulais m’éclater avec des jeunes plus âgés.

Que penses-tu du gimmick “Sex, Drugs & Rock’n'Roll” ?
Je suis un exemple maintenant que le rock peut s’envisager sans drogues. J’ai vécu cette expérience, ce style de vie. Je peux comprendre le style de musicien en tournée. En tant qu’artiste renommé, tu peux avoir accès à beaucoup de choses, à énormément de choses même. Tout devient très simple : le bon comme le mauvais de la vie ! J’ai commencé à tourner à l’âge de 15-16 ans. C’était ma toute première tournée. Evidemment, il n’y a aucun livre, aucun manuel, aucune école qui t’apprend ce que tu dois faire, comment tu dois être face à ce monstre que tu vas finir par connaître. Quand tu es comme moi, avec ces tendances addictives, tu es vulnérable à un comportement de consommation de ce type ! J’ai commencé par fumer du tabac et j’ai découvert l’herbe (cannabis) et l’alcool. J’étais jeune. Tu sais, quand tu as 12, 13, 15 ou 16 ans, tu découvres des choses positives et négatives. Tu expérimentes les choses mais tu n’es pas prêt pour tout ! Je l’ai vécu. Ma passion, c’est la musique avant tout. Quand tu vieillis un peu, tu t’attaches plus à faire attention à ta santé mentale, spirituelle et physique. Même au niveau émotionnel, c’est important. Cela fait 28 ans que je n’ai plus touché à une goutte d’alcool ou à des drogues. Le 20 septembre est ma date d’anniversaire d’ailleurs ! Je ne suis pas là pour prêcher. Je ne suis pas le genre de type à dire : « Hey, ne fais pas ça, ne consomme pas ça ! » mais je me dois d’agiter le drapeau. Dans l’environnement où je bosse, crois-moi Laurent, je dois le faire. Ma vie a changé, j’ai un peu vieilli mais j’arrive à l’heure au show. J’ai des priorités dans la vie. Je fais de l’exercice physique, je mange sainement, je fais attention à moi et je suis en forme pour performer sur scène. Je bosse beaucoup plus. J’ai envie de dire aux plus jeunes : « Faites attention avec les substances. Poursuivez les buts que vous vous êtes fixés. » J’ai transformé mes consommations obsédantes, compulsives de drogues et d’alcool en comportement où je fais attention à moi maintenant. C’est possible, positif et productif ! C’est une nouvelle vie. Je l’aime, j’aime ma famille et mes enfants ! La musique, c’est aussi ma vie. Elle m’a mené vers des endroits magnifiques tant sur le plan émotionnel que spirituel. De nouvelles récompenses pour moi ! Chacun fait des choix dans la vie, dans sa vie. J’ai envie de dire un autre truc, c’est que si tu bois de l’alcool lors d’une fête, alors fais attention à la quantité et contrôle- toi. Fais attention à toi. Sois responsable. Privilégie le rock ’n' roll, le sexe sans excès. J’ai privilégié mon ego de mâle dans le rock ’n' roll tout en modulant les choses. « Sex, Drugs & Rock ’n' Roll », c’est un cliché mais j’ai perdu pas mal d’amis à cause de leur consommation de drogues.
 

« Les drogues et l’alcool contrôlaient ma vie. C’était très dur pour moi. » - Marco Mendoza



As-tu des souvenirs désagréables de l’époque où tu étais addict ?
J’en ai plein ! Je n’avais plus de domicile, j’étais dans les consommations excessives, je n’avais plus de boulot stable dans le music business et j’avais une mauvaise réputation. Je n’étais jamais à l’heure pour les répétitions ou les concerts. J’étais perdu, complètement perdu spirituellement et émotionnellement parlant. Psychologiquement, je sombrais dans un trou noir profond. Le néant ! Je n’avais plus aucune ambition, j’avais perdu le désir de vivre. J’ai déjà pensé au suicide. Il n’y avait plus aucune lumière en moi. Ma vie était devenue un gros problème. J’ai fait de la prison. La seule chose qui comptait pour moi, c’était d’avoir des drogues, m’en procurer pour la journée, boire de l’alcool et me défoncer. J’ai vraiment plein de souvenirs désagréables de cette époque. C’était dans le milieu des années 1980. J’avais déjà joué avec plein de monde, fait de superbes tournées avec Lionel Richie, Cher, Edgar Winter et d’autres artistes… A cette époque, je faisais un super gig un soir et les cinq autres étaient mauvais tellement je ne me contrôlais plus. Les drogues et l’alcool contrôlaient ma vie. C’était très dur pour moi. Je prenais de la cocaïne et de l’héroïne par voie intraveineuse. J’ai fait d’autres mauvaises choses. C’est important pour moi de parler de sobriété et d’addiction. Je ne veux pas avoir une position de prêcheur, mais je veux informer, prévenir et sensibiliser. Je te remercie d’en parler avec moi. Etre "clean", c'est quelque chose d’important pour moi. On souffre de cette maladie qu’est l’addiction, il y a de la douleur, de la tristesse, des déliriums, de la confusion. Certains en meurent. Il y a des familles qui sont détruites par cette maladie. L’addiction aux drogues et à l’alcool, c’est du sabotage. C’est de mon devoir d’en parler dès que je peux. C’est un service que je dois rendre. Le programme en 12 étapes a sauvé ma vie. Je ne suis pas parfait, j’ai eu des périodes difficiles dans ma vie : de la colère, des difficultés émotionnelles… J’ai réfléchi, je me suis exprimé, je me suis excusé. L’abstinence, la sobriété sont les meilleures choses qui me soient arrivées dans ma vie.
J’ai envie de dire aux personnes qui souffrent d’addiction : faites-vous aider par des professionnels, des médecins, des associations, des groupes d’auto-support comme les alcooliques ou les narcotiques anonymes. Il y en a plein partout dans le monde. Dans ces groupes, nous partageons nos histoires. Il y a de l’entraide, de l’espoir pour s’en sortir. Je suis devenu parrain dans le programme 12 étapes. Quand quelqu’un m’appelle pour ce problème, je me rends immédiatement disponible, quoi que je fasse. C’est trop important pour la personne qui en a besoin. La priorité numéro 1 pour moi, c’est l’abstinence. J’ai envie d’ajouter qu’il est très difficile pour un alcoolique ou un addict à la drogue de demander de l’aide. Cela l’a été pour moi aussi. Quand je l’ai fait, j’étais en prison à Los Angeles, je me suis rendu compte que ce gros problème d’alcool et de drogues était plus que difficile. Je me suis rendu à l’évidence : j’étais un addict. Je me suis mis à genoux comme si j’allais prier, j’ai médité. Mon cerveau était en train de me tuer. C’est comme s'il me disait : « Prends un flingue et mets-le dans ta bouche ! ». Il fallait que j’arrête de me défoncer. J’ai demandé de l’aide. Je n’avais pas d’autre choix. Faites-le, faites-vous aider si vous vous sentez épuisé, déprimé, sans espoir, croyez–moi.

C’est quoi la sobriété en un mot pour toi ?
(Long temps de réflexion) La vie. Il y a un autre mot qui me vient à l’esprit : la lumière.

As-tu écrit des chansons sur les addictions ?
Absolument. J’ai fait deux albums solo et un troisième de Latin Jazz. "Live For Tomorrow" (chanson du premier album solo portant le même titre de Marco Mendoza, coécrit et produit par Richie Kotzen) évoque la sobriété. Le label ne voulait pas de message aussi direct, mais je me devais de le faire. Il y a une autre chanson qui s’appelle "Let The Sun Shine" (sur ce même album) qui parle de la vie qui s’éclaircit à nouveau et que tout devient beaucoup mieux. Les choses deviennent positives. Il y aussi le titre "Lettin’ Go" qui parle des mauvaises choses que tu mets de côté. Il fallait que je parle de ça, ça fait partie de ma vie. J’ai parlé de ça aussi dans le dernier album des DEAD DAISIES (« Revolucion ») avec la chanson "My Time". Mon énergie positive est directement connectée à la sobriété. Il faut faire passer des messages positifs, des messages d’espoir. Nous avons tous les capacités pour changer. Nous pouvons tous atteindre de nouveaux buts dans notre vie. La santé spirituelle est liée à notre santé mentale. Je crois à cela. J’aimerai partager mon histoire d’addiction avec tout le monde. La musique m’a sauvé en tout cas !
 

« J’aimerai partager mon histoire d’addiction avec tout le monde. La musique m’a sauvé en tout cas ! »  - Marco Mendoza


La musique est une addiction positive pour toi ?
Oui, définitivement. Elle m’a sauvé. Je suis très occupé avec elle ! Mais elle n’est en rien obsédante et source de compulsions. Car si c’est le cas dans ma vie ou dans votre vie, cela me (vous) fera du mal. Ma famille, mes enfants, mes proches, c’est un équilibre plus qu’important pour moi. Cela rentre dans l'équilibre de ma vie !

Je te donne une drogue, tu me dis un mot ?
Cocaïne : Mauvais.
Crystal méthamphétamine : Encore pire (rires). Non, recommençons, Laurent (rires) !
Cocaïne : Trop d’énergie, perte totale de contrôle.
Crystal méthamphétamine : On perd ses dents.
Cannabis : Mauvais.
Tabac : Cancer.
Alcool : Douleur masquée.
Sexe : C’est bon ! (rires)
Jeux de hasard et d’argent : Pas bon.

Avais-tu déjà parlé de tes addictions auparavant ?
Oui, j’en parle dès que je peux. C’est mon histoire personnelle, un moment important de ma vie que je me dois de partager.

As-tu pensé à rédiger ton autobiographie ?
Oui, c’est un projet que j’ai déjà évoqué avec certains éditeurs. Nous verrons bien. J’aimerais vraiment véhiculer plein de messages positifs.

Un mot pour terminer ?
Pour les personnes qui souffrent de cette maladie, je veux leur dire qu’il y a de nouvelles directions que l’on peut prendre. Il y a des gens qui sont là pour vous aider. Cela fait 28 ans que je suis sobre, je l’ai fait, vous pouvez le faire !

Blogger : Laurent Karila
Au sujet de l'auteur
Laurent Karila
Psychiatre spécialisé dans les addictions, Laurent Karila a collaboré à Hard Force de 2014 à 2023.
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