21 mai 2017, 19:30

SUNDAY NIGHT SPECIAL

Hommage à Chris Cornell (1964-2017)


Quand l’information est tombée jeudi matin, on a commencé par douter. Par se dire qu’il s’agissait peut-être d’un hoax, d’un canular. Qu’il devait s’agir d’un canular. Trop de ses confrères étaient déjà partis en peu de temps, Chris Cornell était un trop grand artiste pour s’en aller comme ça, à 52 ans… Quand on admire profondément un musicien, on a toujours un peu l’impression qu’il est immortel. Celui qui fut l’inimitable voix de SOUNDGARDEN puis d’AUDIOSLAVE nous a pourtant rappelé à la dure réalité. Exceptionnellement, cette rubrique ne sera consacrée qu’à la carrière de ce chanteur d’exception au travers de son œuvre. Black Hole Sunday Special…


Un surdosage de tranquillisants induisant une altération de la conscience*. C’est apparemment ce qui aurait conduit Chris Cornell à mettre à fin à ses jours dans les heures suivant le concert de SOUNDGARDEN à Detroit, dans la nuit du 17 au 18 mai. On laissera à d’autres le soin de s’étendre sur les détails de son suicide par pendaison dans sa chambre d’hôtel, sur les commentaires de Vicky, son épouse et mère de deux de ses trois enfants, qui affirme qu’il n’était pas dépressif. Et sur certaines paroles qu’il a prononcées pendant le concert qui, avec du recul, deviennent lourdes de sens. Entré dans la vie musicale de certains d’entre nous en 1988 avec « Ultramega OK », carte de visite de SOUNDGARDEN sortie chez Sub Pop, Chris Cornell n'en est plus jamais sorti et son œuvre lui survivra. Plutôt que de nous appesantir sur côté sordide de sa mort, c'est à une balade entre les tombes que nous avons choisi de vous convier en célébrant l'œuvre de ce personnage christique. Forever staring at us in his Jesus Christ pose…


SOUNDGARDEN
 


Avec NIRVANA, PEARL JAM et ALICE IN CHAINS, SOUNDGARDEN est l’un des éminents membres du Big Four du grunge, cette lame de fond venue de Seattle qui a balayé le monde musical au début des années 90. Cofondé par Cornell, chanteur à la voix extraordinaire qui couvre près de quatre octaves et au timbre immédiatement identifiable, le groupe est influencé par BLACK SABBATH et LED ZEPPELIN, mais aussi par le classic rock et le punk. Il aura beau évoluer au fil des albums, jamais il ne parviendra à se détacher de cette “encombrante” étiquette grunge qu’il a pourtant transcendée. Après « Louder Than Love » (1989), « Badmotorfinger » (1991), sa troisième réalisation sur laquelle on retrouve des pépites comme “Room A Thousand Years Wide”, “Outshined”, "Rusty Cage” ou “Jesus Christ Pose”, assoit la crédibilité musicale de SOUNDGARDEN. Arrivé dans les bacs deux semaines après « Nevermind » de NIRVANA et un peu moins de deux mois après « Ten » de PEARL JAM, il explique pourquoi tant d'yeux et d'oreilles se sont tournés vers Seattle à l'époque.
Mais la consécration viendra en 1994 avec « Superunknown » et des chansons de la trempe de “Fell On Black Days”, “The Day I Tried To Live” ou “Spoonman”. Un quatrième album plus rock que son prédécesseur qui se classera n° 1 aux USA et dont le single “Black Hole Sun” permettra à Cornell, Kim Thayil, Ben Shepherd et Matt Cameron de toucher le grand public. Ils n’en demandaient pas forcément tant mais le titre demeure leur morceau le plus connu.
La sortie en 1996 du moins heavy « Down From The Upside » (dont seront extraits trois singles, “Pretty Noose”, "Blow Up The Outside World" et “Burden In My Hand”) marquera la fin de l’aventure en raison des tensions entre Kim Thayil, le guitariste, et Chris Cornell à qui il reproche d'avoir oublié les riffs heavy qui, jusque-là, étaient l'essence même de SOUNDGARDEN. Le groupe se retrouvera seize ans plus tard pour enregistrer « King Animal », dans l'esprit de son prédécesseur (cf. “Been Away For Too Long”, “By Crooked Steps”), mais en moins inspiré, qui remportera un succès d'estime sans rendre au quartet son lustre passé. Il demeurera finalement son ultime album, même s'il y a fort à parier que des inédits feront prochainement surface. Car depuis 2015, les quatre hommes travaillaient sur de nouveaux titres. SOUNDGARDEN était en pleine tournée américaine quand Chris a décidé d’en finir. D’une certaine façon, la boucle est bouclée – si l'on peut se permettre cette expression compte tenu des circonstances de sa mort…


TEMPLE OF THE DOG
 


 

C’est l’histoire d’un mec, Andrew Wood, chanteur de MOTHER LOVE BONE, une formation de Seattle. Qui meurt d’overdose juste avant la sortie d’« Apple » (1990), unique et excellent album de son groupe. C’est aussi celle de Chris Cornell, rentré le jour du décès de son colocataire qui, pour tenter de faire le deuil de son ami, ne voit qu’une solution : composer et enregistrer des morceaux à sa mémoire. Ceux-ci ne correspondant pas vraiment au registre de SOUNDGARDEN, il fait appel à Stone Gossard et Jeff Ament, respectivement bassiste et guitariste de MLB (et futurs PEARL JAM), ainsi qu'à Matt Cameron qui officie aujourd’hui chez PJ depuis presque vingt ans.
Ce qui aurait pu n’être qu’un EP deviendra un splendide album mis en boîte en quinze jours avec deux autres futurs PEARL JAM, le guitariste Mike McCready qui fait des merveilles sur “Reach Down” et Eddie Vedder qui partage le chant avec Chris sur un de leurs titres les plus emblématiques, “Hunger Strike”. Le premier supergroupe made in Seattle ? Sans doute, mais les musiciens ne le savent pas encore et pour l’heure, ils s’en foutent. Sorti sans tambour ni trompette en 1991, « Temple Of The Dog », un classique, est accueilli poliment, sans plus. Avant de dépasser le million de ventes un an plus tard quand A&M décide de capitaliser sur le succès des différents protagonistes. TEMPLE OF THE DOG se reformera au cours de l'été 2016 pour célébrer les 25 ans de la sortie de son petit chef-d'œuvre, « et faire ce que l'on n'a jamais pu faire à l'époque : des concerts » expliquera Cornell. On peut voir ici une compilation live de leurs prestations.
 

AUDIOSLAVE
 


En 2001, RAGE AGAINST THE MACHINE n'a plus de frontman. Chris Cornell n'a quant à lui plus de groupe et sa carrière solo a du mal à décoller. Les quatre musiciens décident de tenter l'aventure ensemble et, une répétition plus tard, le chanteur de Seattle “remplace” Zack de la Rocha au micro. Un supergroupe est né mais il ne faut pas employer ce terme, ça les énerve. Ce qui aurait pu n'être qu'un vulgaire coup marketing se révèle une véritable rencontre musicale, comme le prouvent “Cochise”, “I Am The Highway” ou “Like A Stone”, que l'on retrouve sur « Audioslave » qui débarque sur les platines en 2002. Non, ce n’est pas du RATM avec la voix de SOUNDGARDEN mais une formation à part entière qui attire un public pas nécessairement fan au départ des deux formations. Mais en 2007, après deux autres albums, « Out Of Exile » (2005), emmené par “Be Yourself” et “Doesn't Remind Me”, qui se classera n° 1 des charts US, et « Revelations » et ses deux singles (“Original Fire” et “Revelations”), Chris Cornell décide de reprendre sa liberté quand RATM annonce sa reformation au Coachella Festival. Il retrouvera Tom Morello, Brad Wilk et Tim Commerford le 20 janvier 2017, le temps de l’Anti-Inaugural Ball qui proteste contre l'investiture de Donald Trump. Ce sera leur dernière collaboration.
 

Carrière solo
 


Son premier titre en solitaire, “Seasons”, Chris l'enregistre en 1992 pour la B.O. du film Singles, avant de signer avec Mike McCready, Jeff Ament et Matt Cameron, sous le nom de M.A.C.C., une splendide reprise de “Hey Baby (New Rising Sun)” du dieu gaucher sur « Stone Free : A Tribute To Jimi Hendrix » sorti un an plus tard. Quand arrive « Euphoria Morning » (1999), le premier de ses quatre albums solo studio, SOUNDGARDEN n'est plus et Chris se démarque du groupe qui l'a fait connaître par une approche plus dépouillée. Il rencontre un succès d'estime, sans plus, ce qui explique certainement qu'il ait mis sa carrière personnelle entre parenthèses pour tenter l'aventure AUDIOSLAVE.
Il retrouvera les joies d'être le seul maître à bord après Dieu avec « Carry On » (2007) sur lequel figurent “You Know My Name”, thème musical principal du James Bond Casino Royale, qui lui vaudra plusieurs awards, mais aussi une version personnelle de “Billy Jean” de Michael Jackson. Le public est plus attentif mais n'adhère pas plus que ça même si sa voix demeure toujours aussi envoûtante. Produit par Timbaland, producteur renommé de hip hop et de R&B, « Scream » (2009) et ses expérimentations electro pop se prend les pieds dans le tapis et il faudra attendre « Higher Truth » en 2015 pour que Cornell retrouve de sa superbe, cinq ans après « Songbook », live acoustique dans lequel il renoue enfin avec le passé qu'il semblait fuir depuis des années et qui demeure le plus réussi et le plus satisfaisant de ses albums solo. 

Mais Chris n'était pas qu'un artiste et un compositeur accompli, c'était aussi une belle âme. Philanthrope, il a fondé en 2012 la Chris & Vicky Cornell Foundation avec sa femme pour venir en aide aux enfants les plus démunis ainsi qu'aux réfugiés, sans pour autant le clamer à tout bout d'interview. En mars, il apparaissait sur la B.O. du film The Promise avec la chanson du même nom. L’intégralité des recettes générées par les ventes du morceau sera reversée à l’International Rescue Committee qui vient en aide aux réfugiés de tous les pays.

Cornell est le cinquième chanteur de la vague grunge à trouver la mort après Andrew Wood, Kurt Cobain, Layne Staley d'ALICE IN CHAINS et Scott Weiland (STONE TEMPLE PILOTS et VELVET REVOLVER). On espère de tout cœur qu'Eddie Vedder et Mark Lanegan (SCREAMING TREES, QUEENS OF THE STONE AGE) ont encore de longues d'années devant eux. Say hello to Heaven, Chris…
 

*Selon le rapport de police, Chris prenait de l’Ativan, l'équivalent du Temesta, un tranquillisant connu pour ses effets indésirables. Le syndrome de surdosage peut en effet s'accompagner de troubles potentiellement dangereux pour le patient ou pour autrui : comportement inhabituel pour le patient ; comportement auto ou hétéro-agressif, notamment si l'entourage tente d'entraver son activité ; conduites automatiques avec amnésie post-événementielle. Une précision signée du Dr. Laurent Karila que l’on remercie.

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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