Et de dix. INCANTATION, infatigable vétéran au service d'un death metal guerrier vient de larguer son dixième missile, plus de vingt-cinq ans près l'explosion du mythique « Onward To Golgotha » dans des milliers d'esgourdes incrédules. Un son, un style, une attitude maintes fois copiés, jamais égalés. Alors quoi ? Que peut-on attendre de cette nouvelle livraison maléfique si ce n'est... du death metal ? Rien d'autre en fait. Juste ce bon vieux metal de la mort, sépulcral et malveillant, tirant sur le doom caverneux, qui régalera une nouvelle fois petits et grands zombies aux quatre coins du globe.
Cela tombe bien d'ailleurs, c'est comme ça qu'on l'aime ce vieux pote INCANTATION : bien velu et brut de décoffrage, avec son riffing mammouth et ses parties de batterie écrasantes : un vrai gage de qualité, d'authenticité ma bonne dame. Et quand celui-ci se décide, comme c'est le cas sur « Profane Nexus » à repartir sur une formule plus speed et sans limitation de vitesse, ben ça fait mal. Bobo les ratiches. "Rites Of The Locust", "Horns Of Gefrin" ou "Lus Sepulcri" montrent le groupe sous son visage le plus vicelard : des guitares lourdes à souhait ponctuées de viles dissonances, des tremolo pickings tout droit sortis de l’enfer englués dans ce fameux growl d'une profondeur abyssale, marque de fabrique du préposé au crachoir Mac Entee. Et je ne vous parle pas de la ratatinée infligée par la minute que dure "Xipe Totec", véritable coup de latte brutal death bien senti. A côté de cette décharge de violence, l'ambiance oppressante et morbide qui a fait la renommée du désormais trio est elle aussi toujours de la partie : que ce soit sur les interludes torturés "Incorporeal Despair" et "Stormgate Convulsions..." ou sur la double coulée de plomb finale "Omens To The Altar Of Onyx"/"Ancients Arise". De bons gros glaviauds doom/death à l'ancienne, sombres et fourbes, qui résonnent comme autant de majeurs tendus vers Cthulhu. Ici, la mort rôde à chaque descente de toms, les émanations méphitiques de caveaux en ruines parfument un air délicieusement vicié. Même pas peur !
A côté de cette avalanche de riffs mortifères, la production apporte elle aussi sa contribution à cette sinistre entreprise. La bête est produite avec doigté par le père Swanö, une nouvelle fois aux manettes, qui lui façonne un son brut, compact et puissant. Quant à l'artwork signé Eliran Kantor (également à la manoeuvre sur les derniers TESTAMENT), celui-ci dresse en quelque traits la vision apocalyptique d'un démon dont les habits de peau humaine recouvrent une large partie d'un corps difforme et goudronneux. Une séance rituelle qui tourne mal... ou bien selon le point de vue des protagonistes, illustrant à merveille des textes dont la noirceur est presque palpable. Gargl.
« Profane Nexus » incarne à merveille le célèbre "changement dans la continuité". Plus rapide, plus varié que son prédécesseur, moins doom, moins lourd aussi, ce nouvel album trouve naturellement sa place dans la discographie touffue des Américains. Au delà des modes, dont il s'est toujours affranchi, des incessants problèmes de line-up, auxquels il fait face sans sourciller depuis toujours, INCANTATION poursuit inlassablement sa campagne de destruction sonore entamée au siècle dernier. Une abnégation qui force le respect.
S'il ne doit en rester qu'un, ce sera celui-là.