30 octobre 2017, 23:50

W.A.S.P. + BEAST IN BLACK

@ Strasbourg (La Laiterie)

Un rendez-vous important que le passage de W.A.S.P. à la Laiterie.
La salle est bien remplie. BEAST IN BLACK est le hors d’œuvre. Voici le nouveau bébé, ou la "bébête" de Anton Kabanen, fondateur de BATTLE BEAST et débarqué de la bande finlandaise en 2015. Il s’agit d’un heavy metal où old-school et touche moderne de synthé font bon ménage. Le son est parfait, le chanteur Yannis Papadopoulos pousse ses vocalises loin, et son déhanché androgyne captive. Rien de bien novateur mais franchement on passe un bon moment avec six titres extraits de leur premier album. On attendra donc les futures compositions qui sauront, ou pas, se démarquer du précédant groupe d'Anton.



Il est 20h30, l'attente du public est palpable. Beaucoup de hard rockers vétérans, quelques jeunes curieux présents tout de même. Blackie Lawless et ses musiciens investissent la scène. W.A.S.P. est là. C'est parti pour l'intégralité du monument qu'est « The Crimson Idol ». Un album concept qui prend ainsi toute sa dimension onirique, narrant la vraie fausse biographie de Jonathan Aaron Steele, jeune homme violenté qui partit en quête d'amour, mais ne connut qu'une ascension fulgurante en tant que rocker, avant de s'égarer dans la drogue et de finir pendu avec une corde de sa propre guitare.
Les stations de son calvaire s'étalent une heure durant, musicalement revisitées pour l'occasion, appuyées par les extraits du film de son errance, passages clés éclatés sur plusieurs écrans. Si on peut noter une légère faiblesse dans le rendu de la guitare de Doug Blair, dans les soli notamment, je retiens la parfaite exécution de l'album. C'est une suite de moments forts. Blackie souvent vu ces dernières années comme l'ombre de lui-même est ce soir habité par son personnage Némésis. S'il ne fait pas dans la communication directe ce n'est pas choquant. La thématique de l'album se prêtant plus à une forme réussie d'exorcisme, d'excommunication j'avancerais.

Car oui « The Crimson Idol » est avant tout une étape clé de l'histoire du hard rock. Sorti en 1992 cet album est le testament d'une époque. La fin de l'odyssée du hard classique, tumultueux, beau mais marqué par les excès que connurent tous les prophètes du genre.
Après 1992 ? Le rock survécu, je n’oserais pas dire le contraire, il changea même de nom, se mua en metal dur et invincible, mais les groupes comme les sujets devinrent plus professionnels et mainstream. La créativité dans la douleur devint un souvenir au mieux exotique, au pire refoulé. Certains artistes comme Blackie se convertirent à des religions lisses et propres.

Voilà, 25 ans après, c’est avec un recul glacé que l’histoire de cette idole cramoisie est exhibée sur la scène de la Laiterie. Beaucoup dans le public, si attentif que le bar en est délaissé, sont des Jonathan survivants fascinés par l’écho d’un autre âge. J'ignore toutefois la perception des plus jeunes nés après 1992, mais cette sombre et magnifique succession de titres mythiques est là pour leur enseigner l'histoire avec un grand "H", comme l'héroïne du docteur Rocketer. Il ne s'agit ni d'une glorification ni d'une leçon de morale. Il n'est aujourd'hui plus question de revivre cette époque folle. Mais plutôt de réfléchir et de s'interroger sur le prix de sa créativité. W.A.S.P. et ses frères de larmes avec leurs excès écrivirent des poèmes urbains dignes de Poe ou de Baudelaire. Ils firent toutefois cela en payant le prix du sang, un sang parsemé de paillettes de poudre blanche, et parfois d’éclats de leur âme. Les compositions des groupes d'aujourd'hui semblent en comparaison bien fades, moins extrêmes. C'est sans doute tant mieux, mais la folie des eighties manque à l'appel.

Après la crucifixion médiatisée du christ Jonathan, le rappel voit se déferler sur nous les titres phares de W.A.S.P., ceux qui rappellent que le groupe voulu être quelqu'un. L'ambiance est bien plus électrique, mais un morceau vient faire écho à l’histoire de « The Crimson Idol ». Joué rarement, le somptueux "Golgotha" constitue une superbe réflexion sur cette page biblique narrée ce soir.
Nous sortons après une heure trente de rock pur à cent pour cent.
Pour ma part, je suis ému, touché au plus profond de mon âme. Oui, ce soir Blackie m'a parlé à travers les âges. W.A.S.P. : « We Are So Proud ! ».


Photos © Christian Ballard - Portfolio
 

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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