Etait-ce possible ? Franchement, entre nous, là comme ça sans trop y réfléchir, était-ce possible pour MORBID ANGEL de rempiler après avoir accouché de l'album le plus clivant (pour rester poli) en matière de metal extrême de la décennie ? Comment revenir sur le devant de la scène, retrouver la flamme et l'envie de bien faire après le traumatisme « Illud Divinum Insanus » ? Et bien visiblement ces questions ont trouvé les réponses appropriées puisque le groupe est de retour en cette fin d'année 2017. Une formation légendaire qui ne compte aujourd'hui en ses rangs qu'un seul des quatre membres ayant démarré l'aventure en 1989 avec le tout autant légendaire « Altars Of Madness » : ce bon vieux Trey Azagthoth. De son côté, le futur ex-leader David Vincent a lâché l'affaire en 2015 pour cause d'incompatibilité profonde avec le dit Trey... pendant que la mitraillette humaine alias Pete Sandoval rendait lui aussi les armes deux ans plus tôt à la suite d'une rencontre... avec Dieu. Le death metal a ses voies que la raison ignore. Reste donc Steve Tucker, préposé à la basse et aux vocalises, qui avait déjà assuré l'interim avec brio sur le superbe triptyque « Formulas Fatal To The Flesh » / « Gateways To Annihilation » / « Heretic » et le newbie Steve Fuller, ex-HAVOK et ABYSMAL DAWN, qui fait ici la peau aux peaux avec un doigté proprement bluffant.
C'est donc sous ce format trio que MORBID ANGEL a choisi de se présenter pour son come-back. Un come-back inespéré qu'il convient de saluer à sa juste valeur, avec respect et curiosité. Pas question de refaire le match "Est-ce encore MORBID ANGEL sans David Vincent et Pete Sandoval ?", je laisse ce soin à d'autres, préférant me régaler de cette nouvelle mouture avec ce qu'elle a dans sa besace : ce « Kingdoms Disdained ». Et force est de constater qu'elle a du répondant ! Etant un fan avéré du triptyque cité quelques lignes plus haut, notamment l'intemporel « Gateways To Annihilation », c'est avec un certain plaisir que j'ai accueilli cette nouvelle livraison avec le père Tucker au crachoir. Et celui-ci ne se fait pas prier pour balancer la purée sur un "Pile Of Little Arms" introductif qui ramène tout droit au début des années 2000 ! Mister Riff Machine alias Trey Azagtoth est au top de sa forme, le nouveau batteur est aux abois, ça sent bon par ici !
Pas de prise de risques, voilà du MORBID ANGEL milieu de carrière pur jus. Qui confirme ces premières impressions sur un "D.E.A.D." complètement démoniaque où les rythmiques partent conter fleurette pendant que la basse et la batterie se livrent un duel sans pitié alors que de son côté "Garden Of Disdain" propose un voyage dans le temps à l'époque où « Domination » faisait la pluie et le beau temps sur la scène death metal... solo de folie en prime. "The Righteous Voice" et "Architect and Iconoclast" enfoncent le clou là où ça fait mal, profondément, et Trey explose sur son manche en mode revanche. "Paradigms Warped" balance quant à lui son lot de frissons à ceux et celles qui pensaient que MORBID ANGEL n'était plus capable de trousser des mid-tempos écrasants, dont acte. "For No Master" est quant à lui un hommage au travail de fou furieux de Scott Fuller sur ses peaux, mettant à l'honneur un jeu complexe et abouti : du grand art ! "From The Hand Of Kings" remet une fois de plus ce bon vieux Trey dans de bonnes dispositions, lui rendant justice dans ce qu'il sait faire le mieux : du MORBID ANGEL. Un morceau, si ce n'est le morceau de ce « Kingdoms Disdained », une invitation permanente au headbanging, un pur plaisir coupable et assumé ! Et que dire du superbe finisher "The Fall Of Idols" ou "Declaring New Law (Secret Hell)" et de ses faux airs de "Caesar's Palace" ? Du bonheur en barre pendant quarante-sept minutes, comme l'impression de se réveiller après un mauvais rêve, persuadé que tout cela n'a pas vraiment existé, que... la vérité était ailleurs !
Pour faire simple, « Kingdoms Disdained » est le chaînon manquant entre « Gateways To Annihilation » et « Heretic ». Point barre. Et Dieu que c'est bon ! Ophélie Winter le clamait sans détour il y a plus de vingt ans, c'est à mon tour de reprendre son mojo, à une syllabe près : "Dieu m'a re-donné la foi" !