21 février 2018, 9:30

W.A.S.P.

• "ReIdolized (The Soundtrack To The Crimson Idol)"

Album : ReIdolized (The Soundtrack To The Crimson Idol)

En 1992 sortait « The Crimson Idol », concept-album sur l’histoire fictive, mais pas tant que ça, de Jonathan Aaron Steele, un jeune homme maltraité durant son enfance et cherchant tout simplement à être aimé. Après avoir accédé à la gloire et à l’adulation du public par le biais d’une carrière dans la musique et en n’évitant aucun des abus qui s’offrent à lui, il finit par se suicider par pendaison avec les cordes de sa guitare, celle-là même qu’il vole dans un magasin au début de son parcours et qui fut son Excalibur ainsi que l’outil de sa mort. En l’occurrence, un modèle BC Rich Warlock qui, coïncidence ou pas, est celui qu’utilise principalement Blackie Lawless, chanteur et guitariste de W.A.S.P. et unique compositeur de cette œuvre magistrale. Si le synopsis de cette histoire tire vers le convenu et le pathos s’il avait uniquement fait l’objet d’un banal film tel qu’on l’entend, le concept musicalement parlant est fort, se faisant l’écho d’une histoire bien trop souvent connue chez des musiciens sans aller, pour la grande majorité d’entre eux, et heureusement, jusqu’à leur suicide.

Le mot synopsis utilisé plus haut est le terme adéquat car ce qui ne fut à l’époque qu’un "simple" album, devait être accompagné d’un film qui suivait la trame de l’histoire via les chansons du disque bien qu’une réédition augmentée en 1998 incluait cependant la narration ''The Story Of Jonathan (Prologue To The Crimson Idol)'' dont le texte intégral est inclus dans le digipack de ce nouveau coffret. Il aura donc fallu attendre la célébration des 25 ans de « The Crimson Idol » pour qu’une tournée-anniversaire ait lieu au cours de laquelle les spectateurs ont pu (re)découvrir cet album sur scène, cette fois avec les images. Blackie a profité de cet anniversaire pour réenregistrer intégralement les morceaux qui sortent aujourd’hui sous le nom de « ReIdolized (The Soundtrack To The Crimson Idol) ». Le film, tourné à Londres en 1992 donc, suit scrupuleusement la trame de l’album original et, s’il ne contient pas de dialogue parlé, les chansons y pallient efficacement avec des échanges notamment entre Jonathan et les différents personnages de l’histoire au fil des titres. Avec une dominante de noirs et blancs ponctuée d’éclaboussures rouge, la colorimétrie utilisée par le directeur artistique (Blackie en l’occurrence) appuie un peu plus, si besoin était, sur la tension dramatique de l’histoire.

Un parti pris artistique voulu par l’auteur dont on ne remettra pas en cause la vision. On découvre ainsi l’enfance de Jonathan, avec des parents maltraitants et l’humiliant à l’envi mais aussi sa période de jeune adulte, lorsque son frère Michael meurt violemment percuté par un chauffard ivre (ses parents l’adoraient et c’est un événement qui a une grande importance par la suite). Accident à la suite duquel il erre dans les rues en noyant son chagrin dans l’alcool (''The Titanic Overture'', ''The Invisible Boy'' et ''Arena Of Pleasure''). Vient sa rencontre avec “Chainsaw” Charlie, le président d’une major, qui veut faire de lui une star du rock – et en premier lieu bien sûr, s’enrichir sur son dos – et le pauvre Jonathan est bien loin de s’imaginer qu’il vient de pactiser avec le diable (''Chainsaw Charlie (Murders In The New Morgue''), cette rencontre scellant le début de sa fin tragique. Si la diseuse de bonne aventure (''The Gypsy Meets The Boy'') vise juste dans ce qu’elle dit pour Jonathan, cela ne l’arrête pas pour autant car il est déjà sur la pente descendante.

La faute à des rencontres dangereuses pour une personne alors en situation de faiblesse psychologique et de détresse émotionnelle, celle avec les dealers (''Doctor Rockter'') où, là encore, on le pousse du mauvais côté. Le chaos physique et mental devient alors son quotidien, qu’il essaye vainement de gérer en augmentant sa consommation de substances en tous genres. Adulé, idolâtré, il n’en reste pas moins au final qu’un homme seul et isolé qui fait le constat de son échec à être réellement aimé pour ce qu’il est vraiment (''I Am One'', ''The Idol''). On assiste à la fin de Jonathan, inéluctable, qui intervient comme une délivrance, plus malheureux qu’il ne l’aura jamais été après s’être fait tromper, exploiter, rejeter encore une fois par ses parents même après son accessit à une notoriété sur laquelle il comptait pour faire la paix avec eux (''Hold On To My Heart'' et le dantesque final ''The Great Misconceptions Of Me'').

Voilà pour l’association musique/images de cette nouvelle version que l’on peut regarder en Blu-ray ou en DVD avec un son massif en 5.1 offrant une immersion poussée. Le double CD renferme 6 pistes supplémentaires – le “Director’s Cut” du disque originel et que l’on découvre ici pour la première fois, à l’exception de la ballade qu’est ''Miss You'', présente sur la précédente réalisation de W.A.S.P., « Golgotha », paru en 2015. Si on peut s’étonner de sa double présence, Blackie a indiqué qu’elle était prévue initialement pour ce projet. Qu’importe alors que cette explication soit un peu alambiquée et ne nous convainque qu’à moitié, cette chanson qui bénéficie d’un solo absolument ébouriffant lors de son final, apportant de l’eau au moulin de l’histoire narrée. ''Michael’s Song'' est une transition instrumentale et triste entre ''The Gypsy Meets The Boy'' et ''Miss You''. Le quarté constitué de ''Hey Mama'', ''The Lost Boy'', ''The Peace'' et de l’interlude ''Showtime'' sont un plus dans cette dernière ligne droite et permettent que la fin soit amenée de façon moins abrupte que sur le track-listing de base de « The Crimson Idol ».

Les différences entre la version de 1992 et celle-ci alors ? Peu, aucune pourrait-on dire si on parle de la structure des morceaux qui est restée inchangée. Les arrangements sont les mêmes, rien n’a été enlevé ni ajouté et les interludes et narrations sont identiques à la virgule près, même dans l’intonation. Les sceptiques de la première heure et adorateurs de l’œuvre originale (les mêmes certainement) peuvent donc être rassurés sur ces points, tout est – toujours – là. C’est la production qui a changé par contre, gagnant en clarté et puissance. Tout est "plus". On distingue bien mieux les claviers par exemple et les guitares, elles, sont incroyables de mordant et féroces (la restitution des soli de Bob Kulick – et de Doug Aldrich qui avait fait le boulot sans être crédité sur ''Arena Of Pleasure'' – par Doug Blair est à saluer.

De même pour le batteur Michael Dupky qui délivre les parties dévolues initialement à Frankie Banali et Stet Howland avec une précision redoutable, les plans de batterie de cet album étant par ailleurs pour beaucoup dans la réussite des compositions). Et la performance vocale de Blackie Lawless enfin ? Les mauvaises langues penseront qu’il s’est contenté de coller ses parties sur les nouvelles bandes. Il n’en est rien, l’homme ayant également réenregistré ses parties de chant et bluffe l’auditeur par une maîtrise totale de son organe, forçant le respect. Le timbre légèrement plus grave qu’il y a un quart de siècle est ici un atout et là aussi, la production permet d’être plus équilibrée dans le rendu final.

Pour ceux qui découvriront ce disque ou pour ceux (certainement très nombreux) qui ont usé leur exemplaire en son temps, c’est une réussite totale et sans réserve. Les premiers vivront intensément une histoire mise en musique par des morceaux qui sont à jamais des classiques tandis que les seconds auront le plaisir d’un deuxième "premier orgasme" auditif à l’écoute de ce « The Crimson Idol » version 2.0, restitué avec une haute-fidélité par Blackie "La voix de son maître" Lawless. Certains groupes ou artistes remasterisent, réinventent des albums et les ressortent au fil des années. Peu d’albums en sortent grandis, magnifiés ou ne seraient-ce qu’un peu améliorés. Cette entreprise, j’en suis persuadé, n’atteindra pas plus haute marche que celle qu’elle vient d’atteindre et un seul mot résume ce « ReIdolized (The Soundtrack To The Crimson Idol) » : DÉFINITIF.

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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