23 octobre 2020, 19:00

UN JOUR, UN ALBUM

• LED ZEPPELIN : "Led Zeppelin III"


Le 23 octobre 1970 sortait en Europe « Led Zeppelin III » de LED ZEPPELIN. L'idée n'est pas d'en faire la chronique, mais d'effectuer une rapide remise en contexte tout en rappelant quelques faits ou anecdotes que vous ignoriez peut-être sur le troisième album studio des légendes britanniques, qui fête aujourd'hui son jubilé.
 

• Quand Robert Plant et Jimmy Page, chanteur et guitariste de LED ZEPPELIN, prennent leurs quartiers à Snowdonia au Pays de Galles, dans un cottage situé à Bron-Yr-Aur, ils aspirent à un repos bien mérité. Depuis la sortie de « Led Zeppelin », deux ans plus tôt, ils ont enchaîné l'infernal cycle-album-tournée-album, réclamés qu'ils sont des deux côtés de l'Atlantique où ils sont devenus de véritables superstars. Et ils ont décidé que la réalisation de leur troisième disque serait plus zen que celle de « Led Zeppelin II », enregistré dans l'urgence entre l'Europe et les USA dans de nombreux studios. 

• Le cottage, où Plant avait passé des vacances en famille, est non seulement coupé du monde, mais il n'a ni eau, ni électricité. Et comme souvent un disque est le fruit de son environnement, il sera plus folk, plus celtique et principalement acoustique, même si les morceaux électriques ne seront évidemment pas oubliés. Après leur escapade galloise aux airs de retour aux sources, les répétitions commencent avec John Paul Jones (basse) et John Bonham (batterie) à Headly Grange, un manoir dans le New Hampshire. C'est avec leur section rythmique de très haut vol (normal pour un zeppelin, fût-il "de plomb") qu'ils composent les chansons les plus "heavy" de l'album, "Immigrant Song", "Celebration Day" et "Out On The Tiles". 

• C'est le concert à Reykjavik, en Islande, qu'a donné le groupe le 22 juin 1970, qui a inspiré à Robert le texte de "Immigrant Song" qui ouvre l'album. Il y parle des conquêtes vikings et fait référence à la mythologie nordique qui influencera par la suite tant de groupes de metal. Il est question du "hammer of the gods" (le marteau des dieux) qui sera d'ailleurs le titre choisi par le journaliste Stephen Davis quand il publiera la biographie non officielle des géants britanniques en 1985.

• "Immigrant Song", qui ouvrira ses concerts entre 1970 et 1972, devient instantanément un classique du répertoire de LED ZEP. Ce sera d'ailleurs le seul et unique single extrait de « Led Zeppelin III », et encore, uniquement parce que leur maison de disques, Atlantic Records, l'a imposé, les quatre hommes étant fermement opposés aux 45 tours. Il se classera dans le top 20 aux Etats-Unis. Depuis, on l'a entendu dans un certain nombre de films – School Of Rock avec Jack Black, Thor: Ragnarock et Shrek 3. Sans oublier, sous forme de reprise chantée par Karen O et orchestrée par Trent Reznor et Roy Atticus (NINE INCH NAILS), sur la B.O. de Millénium: les Hommes qui n'aimaient pas les femmes de David Fincher.

"Immigrant Song", qui deviendra bien des années plus tard le second titre le plus streamé au monde, sort le 5 novembre 1970. On découvre ci-dessous une version live officielle dont l'image est à déconseiller aux épileptiques…


• L'enregistrement de l'album à proprement parler se déroulera en Angleterre en trois phases, entre mai et juin 1970 : dans le manoir de Headley Grange, dans le New Hampshire, avec le studio mobile des ROLLING STONES ; aux Olympic Studios de Londres ; et enfin, aux Basing Street Studios d'Island Records, à Notting Hill, qu'ils inaugurent. Quant au mixage, il aura lieu à Memphis, dans le Tennessee, en août, pendant la sixième tournée américaine du groupe, avec Andy Johns et Terry Manning aux manettes, sous le haut commandement de Jimmy Page. Le guitariste a rencontré Manning à l'époque où il faisait partie des YARDBIRDS et ce dernier de LAWSON AND FOUR MORE. Et, puisque l'on parle des YARDBIRDS, "Tangerine" a été initialement immortalisé à l'occasion de leur dernière session d'enregistrement, en avril 1968, sous le nom de "Knowing That I'm Losing You".

• Composé à l'époque de « Led Zeppelin II », "Since I've Been Loving You", qui deviendra lui aussi un classique du répertoire du Dirigeable, était resté inachevé. Le morceau sera donc l'un des premiers sur lesquels se pencheront les musiciens et il sera en grande partie enregistré live en studio.
En concert, tel qu'il apparaît dans le film The Song Remains The Same, sorti en 1976 et capté à l'occasion de trois concerts en juillet 1973, au Madison Square Garden de New York. Par contre, la chanson ne figurait pas sur le pressage original du double vinyle live du même nom, mais elle apparaîtra sur la version remasterisée commercialisée en 2007 qui compte cinq autres nouveaux morceaux.


• Durant son séjour dans le cottage gallois, le duo magique travaillera sur plusieurs autres morceaux qui apparaîtront sur de futurs albums : "Down By The Seaside", enregistré pendant les sessions de « Led Zeppelin IV », mais qui figurera sur « Physical Graffiti » (1975) ; "Poor Tom", que l'on retrouvera sur « Coda » (1982). Sans oublier l'ébauche de ce qui deviendra "Stairway To Heaven" et de "Over The Hills And Far Away".

• A l'origine baptisé "Jennings Farm Blues" (d'après le nom de la propriété familiale des Plant), "Bron-Y-Aur Stomp" ("Yr" a perdu son "r" dans la bagarre), qui parle de Strider, le chien du chanteur, est enregistré en version électrique en 1969, mais c'est sous forme acoustique qu'il apparaît sur « Led Zeppelin III », avec Bonham qui joue des castagnettes ainsi qu'avec des cuillers. La chanson s'inspire largement de "The Waggonner's Lad" de Bert Jansch, musicien folk écossais qu'appréciait beaucoup Jimmy Page. Alors, les musiciens de LED ZEP étaient-ils de vilains copieurs ? Un peu, mais c'était à l'époque une pratique très courante que celle "d'emprunter" très largement à d'autres musiciens, sans forcément les créditer d'ailleurs. Et le guitariste a toujours assuré que s'il prenait«  certaines libertés », il mettait « un point d'honneur à toujours essayer d'apporter quelque chose de nouveau ». Ce qui n'était pas forcément le cas de Plant, qui lui, ne changeait pas systématiquement les paroles…


• Comme c'était déjà le cas sur leurs deux premiers albums, on trouve deux autres réinterprétations de morceaux traditionnels : "Gallows Pole", à l'origine une chanson folk anglaise qui portait le titre de "The Maid Freed From The Gallows". Enregistrée pour la première fois en 1939 par le bluesman Leadbelly sous le titre "Gallis Pole", elle a ensuite été immortalisée par Fred Gerlach, un musicien américain, sur « 12 String Guitar » (1962). Jimmy Page y joue de la guitare électrique, de la guitare acoustique et du banjo, John Paul Jones étant quant à lui à la basse 5 cordes fretless, qu'il troquera en concert contre une contrebasse. 


Vingt-quatre plus tard, une version repensée apparaîtra sur « No Quarter: Jimmy Page And Robert Plant Unledded », enregistrée à l'occasion du passage des deux légendes dans l'émission "MTV : Unplugged". 


• Quant à "Hats Off to (Roy) Harper", qui clôture l'album, il est en fait basé sur "Shake 'Em On Down", morceau du bluesman Bukka White, repensé en clin d'œil à leur ami Roy Harper, un musicien folk.

• Pourtant, bien que figurant parmi les albums les plus attendus de l'année 1970 (près d'un million d'exemplaires ont été précommandés rien qu'aux USA), ce troisième volet de la saga zeppelinienne surprend et divise. Après deux albums sortis respectivement en 1968 et 1969, d'une lourdeur indéniable teintée du blues qui a nourri ses géniteurs, son côté moins hard décontenance certains. Il y en a qui voit en lui un chef-d'œuvre incompris quand d'autres le considèrent juste comme le résultat d'un trop grand nombre de concerts et d'une baisse flagrante de créativité. « Led Zeppelin III » se classera en tête des ventes en Grande-Bretagne et aux USA, mais il lui faudra plusieurs années, contrairement aux autres réalisations des quatre hommes, pour égaler les chiffres de ventes du reste de leur discographie. Il se rattrapera toutefois sur le temps puisqu'il dépassera finalement les 13 millions d'albums vendus, dont 6 millions rien qu'outre-Atlantique, tout en montrant l'étendue du spectre musical des quatre hommes qui ne se fixent aucune limite.

• Deux citations d'Aleister Crowley, célèbre occultiste et adepte de magie noire qui fascinait au plus haut point Jimmy Page, figuraient sur le pressage original de l'album : "Do what thou wilt" (fais ce que voudras, devise de l'abbaye de Thélème) d'un côté, "So Mote It Be", également employée par les adeptes de magie Wicca, les païens et les Francs-Maçons, et qui correspond au "Amen" des Chrétiens, sur l'autre. On les retrouvait également, gravés au stylet, sur le pressage original du single "Immigrant Song", mais leur emplacement – sur la fin du microsillon – fait que rares sont les possesseurs de ces raretés à s'en être aperçu. De "sacrés" collectors en tout cas !
Spécialiste du mage britannique, qui pratiquait – comme les musiciens de LED ZEP – le sex & drugs sans retenue, le guitariste possède nombre de ses manuscrits et illustrations et, en 1971, il fera même l'acquisition de Boleskine House, une des anciennes résidences de Mr. Crowley, située sur les rives du Loch Ness. Un manoir dont on raconte qu'il a été le théâtre de messes noires et de sacrifices. « Un lieu chargé de mauvaises ondes » s'enthousiasme Page, où l'un de ses amis cartésiens aurait entendu tomber la tête d'un homme décapité quelques siècles plus tôt. Et qui, après le départ de Crowley, aurait vu plusieurs des différents occupants se suicider. Le guitariste n'y passera pourtant que peu de temps, avant de le revendre en 1992.
La "légende" raconte qu'à sa demande, Robert Plant et John Bonham (John Paul Jones déclinant la proposition) auraient pris part à un rituel magique pour obtenir le succès… Mais qu'en 1975, à la suite d'une dispute entre Jimmy et Kenneth Anger, réalisateur du film Lucifer Rising (1972) dont le guitariste a écrit la bande originale, ce dernier, lui aussi adepte de la "magick" de Crowley, leur aurait lancé une malédiction.
La même année, la famille Plant, en vacances en Grèce, est victime d'un grave accident de la route. Il faudra près de deux ans au chanteur, l'épaule et la cheville cassées, pour se remettre complètement. Il donnera des concerts, assis dans un fauteuil roulant, mais le groupe devra se résoudre à annuler la fin de la tournée "Physical Graffiti", et les sessions d'enregistrement de « Presence » seront également impactées. Deux ans plus tard, Carac, son fils de 5 ans, sera emporté par un virus… Entre-temps, Page a sombré dans la dépendance à l'héroïne, et en septembre 1980, Bonzo succombe à une trop grande consommation d'alcool et d'antidépresseurs, à l'âge de 32 ans. C'en est fini du plus grand groupe du monde. La malédiction se serait-elle accomplie ? C'est ce qu'affirment certains. A moins qu'il ne s'agissent seulement des aléas de la vie…
 




© feelnumb.com


• La réalisation de la pochette gatefold originale retardera de deux mois la sortie de l'album. Conçue par Zacron, de son vrai nom Richard Drew, un artiste diplômé de la Royal Academy Of Arts dont Page a fait la connaissance au début des années 60, il s'agit d'une volvelle. C'est-à-dire que ce dernier, qui a réalisé des images surréalistes (avions, oiseaux et papillons) visibles à travers des trous découpés, a placé un disque rotatif comprenant d'autres images sous la pochette. Et que quand on le fait tourner, des images différentes – dont celles du groupe – apparaissent dans les trous.

• Il faudra patienter jusqu'à 1973 pour qu'enfin, LED ZEP se pose en France, le temps de 6 concerts.

• Réédité en 2014, « Led Zeppelin III » sera accompagné d'un bonus disc 9 titres incluant des mixages différents ou versions instrumentales.

• Le 45 tours japonais de "Immigrant Song", reproduisant l'artwork original et accompagné en face B de l'inédit "Hey, Hey, What Can I Do", sera réédité à 19 700 exemplaires dans le monde pour célébrer le jubilé de « Led Zeppelin III ». Disponible le 15 janvier prochain, on peut le précommander ici.
 

Discographie
Led Zeppelin (1969)
Ld Zeppelin II (1969)
Led Zeppelin III (1970)
Led Zeppelin IV (1971)
Houses Of The Holy (1973)
Physical Graffiti (1975)
Presence (1976)
The Song Remains The Same (Live - 1976)
On Through The Out Door (1979)
Coda (1982)
BBC Sessions (Live - 1997)
How The West Was Won (Live - 2003)
Celebration Day (Live - 2012)

Un jour, Un Album

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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