6 décembre 2020, 11:20

PANTERA

• "Reinventing The Steel" [20th Anniversary Edition]

Album : Reinventing The Steel [20th Anniversary Edition]

Forcément guette-t-on les annonces de chez Rhino à chaque nouvelle année paire : pendant dix ans, de 1990 à 2000, PANTERA nous a gâtés d’une discographie exemplaire parue au rythme aussi métronomique que le beat de Vinnie Paul – tous les deux ans donc. Avec pour conséquence une campagne aussi savoureuse signée Rhino, le label connaisseurs choice dédié aux rééditions et autres coffrets historiques que Warner délègue à son petit commerce d’artisans du travail bien fait. Avec donc depuis 2010 une salve bisannuelle de déclinaisons CD digipacks et vinyles de l’oeuvre texane, à commencer par l’impressionnant « Cowboys From Hell », premier jet exemplaire décliné en un triple CD – avec lives bonus, versions alternatives et démos inédites – qui est venu célébrer un premier vingtième anniversaire, fort bienvenu.

Si « Cowboys From Hell » a déjà révolutionné le metal, faisant bien plus que remplir sa mission première, les suivants vont crescendo en terme de bravoure, de violence, d’innovation, de songwriting et d’affirmation d’une réécriture des tables de la loi du metal, parvenant alors à dépasser celles jusqu’ici gravées par METALLICA et SLAYER. Dans les années 90, si le thrash metal devient plus groovy jusqu’à s’en approprier le terme pour en créer une nouvelle chapelle, il est plus incisif encore que jamais, tout en étant étrangement plus abordable et fédérateur : il ne fait aucun doute que de 1992 à 1996, PANTERA EST LE METAL. Je défie d’ailleurs quiconque de venir m’en prouver le contraire – get in the ring, motherfuckers.

Après le transitoire « Official Live: 101 Proof » qui n’est pas exactement le témoignage rêvé que l’on attendait d’un groupe de cette trempe, il faudra donc attendre 2000 pour que PANTERA sorte un nouvel album, soit quatre ans après l’extraordinaire « The Great Southern Trendkill », mitraillage en règle façon grand Sud meurtrier, un sommet d’agressivité acérée. Dans l’intervalle, Phil Anselmo est mal en point : il est devenu un junkie ingérable, pantin clone dégueu de Charles Manson, barbe et cheveux gras, treillis boueux des bayous, et amour prononcé pour le black metal le plus insalubre – et pour BLACK SABBATH, qu’il honore dans DOWN. Victime de ses excès et des doux enfantillages dévastateurs qui rythment leurs quotidiens d’enfants gâtés qui cassent leurs jouets, PANTERA peine donc à plancher sur son cinquième album – en vérité le neuvième si l’on tient compte d’une première partie de carrière dédiée à un heavy-metal à la croisée entre le britannique et le festif glam, façon VAN HALEN / KISS / JUDAS PRIEST.

Lorsqu’il parait en mars 2000, « Reinventing The Steel » est une semi-déception : non seulement la moitié de ses compositions s’avère du second choix, mais la production, habituellement réservée au cinquième membre Terry Date depuis 1990, est un cran en-dessous, puisque les frères Abbott ont hélas décidé de s’en charger eux-mêmes.

Vingt ans plus tard, « Reinventing The Steel » est au rendez-vous : et comme pour le premier modèle, l’édition est triple. Outre les bonus, nombreux, ce que l’on applaudit le plus c’est le nouveau mix de l’album, salutaire, inespéré. Si la version d’origine, toutefois remastérisée, est bien présente sur le CD2, le label et l’organisation PANTERA, toutefois amputée de ses deux membres les plus essentiels, a décidé de faire remixer ses dix titres. Alors révisionnisme ? Non : amélioration, optimisation, correction et nettoyage, signé Terry Date – le retour. Le producteur, qui a tant oeuvré ailleurs chez DEFTONES, SOUNDGARDEN, PRONG, SOULFLY ou WHITE ZOMBIE, est ainsi convié une cinquième fois dans le club fermé de Dallas pour revoir une copie à laquelle il avait jadis été relativement exclu (il ne fut alors crédité dans les remerciements que pour une certaine « inspiration par téléphone »). Et on peut vous dire que cette version revisitée POUTRE !!!! C’est bien simple, d’un album que l’on ne réécoutait que très occasionnellement et à la pochette nettement moins cornée que celle de notre « Far Beyond Driven », nous avons l’heureuse sensation de le REDECOUVRIR, et d’en apprécier davantage les subtilités. Âprement tranchant, redoutablement vicieux et méchamment heavy, « Reinventing The Steel » se savoure à nouveau comme un vin moyen que l’on aurait laissé vieillir, mis en carafe et dégusté vingt ans plus tard comme un putain de Pétrus. Si le nouveau mixage de Date tend sensiblement vers les aigus, ce n’est que pour mieux souligner le jeu de Dimebag qui brille à nouveau là où l’on avait oublié certaines de ses dernières parties. Jouissance assurée de réécouter ainsi les deux monstres que sont "Goddamn Electric" (rehaussé du solo de Kerry King capté à l’arrache backstage lors de la Ozzfest précédente) et "Yesterday Don’t Mean Shit". 

Bien sûr l’album n’est pas « Vulgar Display Of Power » en terme de compositions, et une bonne moitié n’en a toujours pas le niveau escompté : mais cette révision de la production les booste comme jamais, transformant des morceaux accessoires en tueries remaquillées où les meilleurs atouts sont affutés et polis comme des crochets chromés rutilants – et mieux vaut ne pas s’y accrocher. 

Tout aussi accrocheurs sont les bonus qui peuplent un troisième CD de folie, à commencer par ses cinq inédits – qui ne le sont pas vraiment pour les collectionneurs et complétistes. Allons :  "Avoid The Light", périple épique aux relents presque zeppeliniens dans son introduction, six minutes trente de protubérances hirsutes de pentatonique alors disponible sur la B.O. de Dracula 2000 (forcément) ; la sabbathienne "Immortally Insane", présent sur celle de Heavy Metal 2000 ; la célébrissime reprise de Ted Nugent "Cat Scratch Fever" que les fans avaient pu trouver sur la bande originale de l’amusant Detroit Rock City en 1999 ; et enfin deux covers de BLACK SABBATH, l’über-heavy "Hole In The Sky" alors bonus-track de l’édition japonaise, et le doomy à souhait "Electric Funeral", au menu du tribute « Nativity In Black II », double signe de la vénération d’Anselmo aux pères fondateurs. Le reste du disque contient l’album intégral en mode instrumental et rough-mix, soit donc la version brute d’un premier mixage sans les vocaux – et sur laquelle vous pourrez donc vous essayer au karaoké façon Phil bourré. 

Voilà : larme à l’oeil, on a bien la sensation de se dire « les rééditions PANTERA c’est terminé ». Très vraisemblablement. A moins que les bandes des quatre premiers albums, seulement ressortis en bootlegs, connaissent un jour une réévaluation bienvenue, bien que j’aie la désagréable sensation que « Metal Magic » et autres « Projects In The Jungle » resteront des obscurités honteuses seulement appréciées des amateurs de spandex et d’Aqua Net.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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