Avec trente-cinq ans d’activisme metal dans sa besace, le clan suédois MESHUGGAH fait partie des meubles. Pas de ceux à la courte espérance de vie popularisés par Ikea mais bel et bien ceux qui traversent le temps sans subir la moindre éraflure. A l’image d’une armoire normande, massive et imposante, qui se transmet de génération en génération. Depuis ses premiers émois thrashisants sur « Contradictions Collapse » jusqu’au monstrueux « The Violent Sleep Of Reason » paru il y a six ans, le groupe n’a d’ailleurs jamais connu d’accident industriel. Force et robustesse sont toujours érigés en ligne de mire. C’est également le cas sur « Immutable », neuvième album en date, qui avec 13 morceaux pour 66 minutes se pose une nouvelle fois en patron du genre.
Tomas Haake (batterie) l’a d’ailleurs confirmé dans plusieurs interviews accordées depuis le début de l’année, le MESHUGGAH cuvée 2022 reste fidèle à ses racines même s’il continue d’expérimenter sans dénaturer son style. Sa marque de fabrique est et restera unique. A l’image du titre de ce disque : immuable. Et le batteur n’a pas besoin d’en dire beaucoup plus à ce sujet car à peine "Broken Cog" lancé, il ne faut que quelques secondes pour reconnaître la patte des suédois : rythmiques syncopées, cordes vocales en fusion, parties de batterie gargantuesques et basse aux abois. Tout comme les frondeurs "The Abysmal Eye" et "Light The Shortening Fuse" qui s’inscrivent dans la droite lignée de ce titre avec des riffs implacables et des mélodies dantesques. Frederik Thordendal est une nouvelle fois bluffant sur ses parties de guitare où il déploie sa science du solo qui tue. Il n’est pas le seul à faire forte impression puisque la lourdeur, cette puissance en mode bulldozer qui émane de l’ensemble est palpable à l’écoute de "Kaleidoscope", "Armies Of The Preposterous’" ou "I Am That Thirst". Le groupe ne s’enferme pas pour autant dans le matraquage méthodique puisqu’il propose sur "Phantoms" ou "Ligature Marks" des ambiances plus contrastées, portées par les dissonances. Moment fort de cette première écoute, l’instrumental "They Move Below" qui s'apparent à un véritbale grand huit rythmique sur lequel l’opérateur aurait abandonné toute tentative de freinage. Il y a ici une fibre épique dans cette envolée dont seul le clan de Västerbotten a le secret. Son jumeau "Black Cathedral", lui aussi instrumental, qui surgit un peu plus loin en constitue d’ailleurs la suite toute indiquée.
Produit par le groupe et enregistré puis mixé par Rickard Bengtsson et Staffan Karlstrom, masterisé par Vlado Melle, « Immutable » est imparable. Une évidence lorsque l’on revient sur l’ensemble de la discographie du groupe qui a toujours poussé la production de chacun de ses albums dans ses derniers retranchements. Comme il est logique aussi que les six années séparant « A Violent Sleep Of Reason » et « Immutable » ont également permis aux musiciens de travailler en profondeur la direction musicale de cet album. Un délai inhabituellement long pour MESHUGGAH mais ici mis à profit tout sur ce bloc de béton, homogène de la première à la dernière seconde. Qui une fois de plus fait mouche. Ouch !