Il est des groupes, honnêtement je m’étonne qu’ils soient toujours dans les parages. Concernant les loustics dont il est question je ne pensais même pas qu’ils jouaient encore. Heureusement que mon rédacteur adoré m’a jeté à la tête leur disque tout droit sorti du studio. 46 ans après leurs premier album avec les premiers braillards du punk de Londres, à croire que leur nom les a préservés plutôt qu’autre chose, voici THE DAMNED et leur album « Darkadelic ».
Sérieux, je suis tout chose en écoutant "The Invisible Man". C’est vraiment eux, ces dandys dégingandés, Dave Vanian, Monty Oxymoron, Captain Sensible et compagnie, jouant le titre avec une énergie diaboliquement juvénile. Et pourtant en faisant mentalement le calcul, en tenant compte des excès de leurs années punk, on aurait plutôt imaginé leurs places dans un musée. Visiblement comme Indiana Jones ils sont increvables. C’est le retour de la rythmique swinging London, avec des « hou houuuu » si sixties que l’on se croirait chez THE KINKS, s’il n’y avait pas un bon son de gratte punk pour bousculer tout ça. L’introduction de "Bad Weather Girl" est aussi gothique qu’un film de la Hammer, avec des synthés résonnant dans des décombres sordides au fond de la brume, puis ça s’emballe dans un joyeux cirque rock'n'roll où plane un moment un solo floydien du plus bel effet. Pas de doute, THE DAMNED sont venus nous réveiller d’entre les morts.
"You're Gonna Realise" se dévoile sur un rock énervé, mais également incroyablement nostalgique. Dave a toujours cette voix de baryton et il l’emploie aussi bien pour véhiculer de l’émotion pure ou du second degré, dans une pagaille rock organisée ou des breaks solennels. J’adore l’arrivée des riffs agressifs de "Beware Of The Clown", qui résonnent comme un avertissement sonore. Belle alchimie goth-punk qui pourra charmer de la plus belle des façons les spectateurs des concerts à venir. Un vrai tube au style si... THE DAMNED !
"Western Promise", avec sa sonorité des grands espaces américains et son chant suave, aurait pu figurer dans le répertoire de THE 69 EYES. Avec sa guitare semi acoustique, son saxophone crépusculaire et son refrain contemplatif nous sommes transportés, dépaysés, très loin des précédents morceaux. Nous sommes réveillés par un "Wake The Dead" qui relance la danse synth-rock. Et toujours la voix d’exception de Dave. Complètement fêlés THE DAMNED balance dans la foulée un "Follow Me" psychédélique à souhait, puis un "Motorcycle Man" relevé par un riff rock'n'roll endiablé, je visualise sans peine un Austin Powers se pointant sur une gigue tout en velours, avec de belles expressions explicitement coquines, accordées à ce mood décomplexé. "Girl I'll Stop At Nothing" repart dans un style seventies bien énervé, THE DAMNED est un magnifique pont transgenre et intemporel, un peu comme THE 69 EYES, encore une fois le parallèle s’impose d’autant plus que les deux groupes sortent quasiment en même temps leur nouveau méfait. Une histoire de rock complètement débridé. Des groupes incroyables qui mériteraient plus de reconnaissance. Mais l’audace souvent désarçonne même les plus virils. Faut oser reconnaître son amour pour un "Leader Of The Gang" autant rock que décalé. Et pourtant si fédérateur. Et oui, le punk ce n’est pas que les SEX PISTOLS, et le psychédélique ce n’est pas que THE DOORS... l’ouverture d’esprit dans le rock c’est l’insolence, et THE DAMNED en est un magnifique porte-étendard.
Vous savez tous à quel point j’adore mon chef. Déjà il m’a encouragé dans mon rôle de journaliste plus d’une fois. En me filant ce disque il a su reconnaître ce que je savais défendre le mieux. THE DAMNED est typiquement le groupe inclassable comme j'aime, qui se fait plaisir tout en nous faisant plaisir. "From Your Lips" s’assume, guitare et synthé complices, basse et batterie d’un autre temps, groove dansant et sincérité du chant, c’est tellement bon. Un final grandiose, gothique tel "Roderick" et on se dit « bon dieu quel groupe que celui-ci ! ». Merci chef pour ce disque, ainsi que la bosse sur mon crâne donc.
C’était THE DAMNED, un vrai groupe punk. Pas dans le sens bruit et fureur selon la formule choc de Malcom McLaren. Mais plutôt à la façon Joe Strummer, une ouverture d’esprit sur la musique et la philosophie musicale. Il ne s’agit pas de mélange des genres, mais d’agencement du meilleur des styles, pour un plaisir optimal en cette époque de blasés. Rock is life. Rock is THE DAMNED !