17 juin 2023, 23:50

IRON MAIDEN

@ Clisson (Hellfest Open Air)


2014, 2018 et 2023. Jamais deux sans trois comme on dit et c’est désormais chose faite avec la troisième visite d’IRON MAIDEN au Hellfest. Après avoir voulu les épingler à son palmarès pendant des années, on peut dire que Ben Barbaud a par un professionnalisme croissant, pérennisé la crédibilité du festival auprès de nos Anglais mais aussi pour les autres locomotives du genre, toutes étant venues se produire sur une ou plusieurs éditions. A l’exception notable d’une, un groupe peuplé d'irréductibles Ecossais qui résiste encore et toujours à l'organisateur... Peut-être qu’un jour prochain, l’on pourra s’écrier « Veni vidi vici, hail Caesar ! », allez savoir ! Mais je digresse. Pour l’heure nous intéresse ici l’unique date (snif !) donnée en France par la Vierge de Fer dans le cadre de la tournée "The Future Past Tour 2023". Et c’est là que le bât blesse, le nombre de fans du groupe étant colossal, il en reste toujours sur le carreau lorsqu’un spectacle est prévu à Paris en tête d’affiche. Alors au Hellfest, vous pensez ! On espère donc pour sa prochaine visite une double dose de Bercy comme il y en a eu souvent par le passé. Annoncée comme un mix entre le dernier album, « Senjutsu », paru en 2021 et l’iconique « Somewhere In Time » de 1986, cette tournée portait à son annonce les espoirs de tous en trois mots et huit minutes et trente-huit secondes : "Alexander The Great". Alors les paris étaient ouverts à jouera, jouera pas cette chanson jamais interprétée en live et réclamée à cor et à cri depuis plusieurs décennies. La délivrance a eu lieu le 28 mai dernier à Lubljana en Slovénie : oui, le titre fait partie de la set-list. Mais il serait réducteur de ne retenir qu’un seul morceau d’une liste tout bonnement effarante et bourrée de surprises en pagaille que je vous invite à vivre par le texte si vous n’avez pu être présents au Hellfest ou à faire revivre des souvenirs aux fans sur site lors de cette soirée du 17 juin. Prenons place dans la DeLorean si vous le voulez bien, entrons sur le convecteur temporel la date du 29 septembre 1986 et en route. Enfin non, pas vraiment car là où nous allons, il n’y a pas besoin de route...


Après l’inamovible intro "Doctor Doctor", titre d’UFO joué avant chaque montée sur scène, résonne le thème du film culte Blade Runner avec Harrison Ford et composé par Vangelis, soit à l’identique du "Somewhere On Tour 86/87". Frissons... Les draps cachant les structures scéniques sont enlevés par les roadies et le public découvre alors le décor constitué d’illustrations décrivant des ruelles futuristes et des vaisseaux spatiaux, rappelant totalement l’univers peint par Derek Riggs sur la pochette de « Somewhere In Time ». Tout le monde retient son souffle avant de laisser éclater une clameur indescriptible lorsque les premières notes samplées de "Caught Somewhere In Time" démarrent. C’est déjà presque trop pour certains qui frôlent alors la tachycardie mais ce n’est pourtant qu’un début et lorsque le groupe déboule en trombe, c’est l’explosion de joie. Le son est parfait, l’interprétation est incroyable et Bruce Dickinson est tout bonnement impérial. Je vous avouerai que j’avais une appréhension avant cette tournée sur sa capacité à atteindre à nouveau les sommets gravis il y a trente-sept ans mais je m’incline volontiers un genou à terre devant cette voix impeccable qui rend plus que justice à de tels hymnes. Pour dire, les morceaux de « Somewhere In Time » sont mieux chantés que ceux du récent « Senjutsu », c’est absolument flagrant et indiscutable (attention, ne me faites pas dire qu’il n’assure pas tout le long du set, peu de chanteur continuent à envoyer comme lui). Et ce n’est pas l’enchaînement direct avec "Stranger In A Strange Land" qui change la donne. Plus interprétée depuis 1999 (et encore, pas sur toutes les dates), cette chanson avait été supprimée après une courte absence du guitariste Adrian Smith qui s’était rendu au chevet de son père mourant. C’est donc un retour inespéré de l’un des meilleurs titres de cet album et que l’on peut à nouveau entendre. Pour ne rien gâcher, Clint Ed-Swood se tient discrètement sur le côté de la scène, imper usé et flingue laser en poche tel qu’il apparaît sur la pochette du single, ne lui manquant que la clope au bec (il s’en est fallu de peu qu’elle soit remplacée par un brin de paille comme a pu le subir Lucky Luke en son temps). On notera le style vestimentaire du sieur Dickinson, très stylé dans son long pardessus gris à la Deckard (le héros de Blade Runner interprété par Ford) et avec lunettes futuristes (même si celles de Doc Brown auraient été la cherry pie). Egalement ressorti des cartons de 2008 (la première partie de la tournée "Somewhere Back In Time"), "Heaven Can Wait"  qui permet d’entonner les « Ho-ho-ho » à l’unisson, un titre qui a fait dire il y a quelques années au chanteur dans l’un des magazines du fan-club qu’il l’avait souvent fredonnée sous la douche lors de son combat contre le cancer. Et si la plus commune "Wasted Years" referme ce show au bout de 15 titres, c’est bien "Alexander The Great" qui aura été le morceau de bravoure de ce set. Question : pourquoi le titre n’a-t-il jamais été joué live auparavant ? Réponse : on ne le saura probablement jamais (ou parce que Steve Harris est une tête de mûle ?). Et c’est d’autant plus dommage que les arrangements effectués pour l’occasion, le groove impulsé par Nicko McBrain, toujours bien vaillant derrière son kit et du haut de ses 71 printemps, après avoir lui aussi livré bataille contre ce foutu crabe, lui donnent un caractère qui ne transparait pas sur album et un panache surprenant. Le backdrop associé à cette chanson est lui aussi de toute beauté, un Alexander-Eddie emmenant au combat son armée des morts (cela nous renvoie à la pochette de 2006 pour « A Matter Of Life And Death »), tous ayant un bouclier arborant un visuel d’Eddie emprunté à l’iconographie que l’on a découvert au fil des décennies. Chapeau les boys et merci pour ce moment de grâce suspendu quelque part dans le temps...


Cinq titres de « Somewhere In Time » et cinq également de « Senjutsu », pas de jaloux. On passera rapidement sur "The Writing On The Wall" déjà entendue l’an dernier, un déjà classique dont le refrain est repris à l’unisson par l’assistance pour se focaliser sur les nouveautés que sont "Days Of Future Past", "The Time Machine", "Death Of The Celts" (la nouvelle "The Clansman" en quelque sorte) et le pavé final "Hell On Earth". La première se veut une chanson concise, dans l’esprit d’un single mid-tempo et s’insère bien dans l’ensemble, passant l’épreuve du live avec brio. "The Time Machine" de par sa thématique est parfaitement à sa place, précédée d’un long speech (en français bien entendu, on ne lâche rien et on l'encourage à persévérer) durant lequel Bruce nous aura quand même un peu perdus, entre l’évocation d’un portail temporel (Stargate ?), celle d’un véhicule à voyager dans le temps (la fameuse DeLorean de la trilogie Retour vers le Futur) et des équations mathématiques, élaborant sous nos yeux ébaubis ce que l’on appellera désormais le théorème de Dickinson. La France étant désormais sa deuxième patrie, il n’est pas si étonnant de l’entendre citer dans la foulée et sans transition De Funès, l’un de ses acteurs préférés, et en particulier Fantomas, une autre trilogie marquante de notre cinéma comique des années 60 qu’il adore. Enfin, et totalisant plus de vingt minutes au compteur, les mastodontes "Death Of The Celts" et "Hell On Earth", bien que plaisantes dans un contexte live alourdissent un peu le set, lui qui aurait mérité d’être plus dynamique avec des titres plus courts, chose que le groupe sait faire en alignant la sautillante "Can I Play With Madness" ou "The Prisoner" (ce break et ce solo mon Dieu...), même si cette dernière dépasse les six minutes. Mention au backdrop de ce morceau qui reprend le damier géant de la série The Prisoner dont le morceau s'inspire.


Un concert d’IRON MAIDEN ne serait bien évidemment pas le même sans entendre "Fear Of The Dark", "Iron Maiden" (évidemment) ou "The Trooper" et l’on sait tous que ces chansons sont inamovibles quelles que soient les tournées entreprises. Et ça va très bien ainsi. Comme pour les tournées "Somewhere Back In Time" de 2008 et 2009, celle de "Maiden England" entre 2012 et 2014, le grand gagnant de celle-ci se nomme Adrian Smith. Le guitariste le plus prolifique du trio qu’il forme avec ses compères Dave Murray et Janick Gers étant à la fête lors des nombreux soli qu’il dégaine, tel le Eddie de « Stranger In A Strange Land », au gré des titres de ce concert et des crédits de composition si l’on s’y penche. Deuxième sur le podium, Dave Murray qui à l’instar de son vieil ami, revisite quelques parties de soli, une initiative bienvenue et que l’on avait déjà observé de sa part l’an dernier. Efforts à poursuivre Mr Murray, telle est l’appréciation du public sur le bulletin de fin de concert. Janick lui, aura quelques moments à lui avec les titres récents de « Senjutsu », ne laissant ainsi personne sur le quai des six-cordistes. Vous me direz (pas tous heureusement), « Ouais encore un concert de louanges, chronique du concert dithyrambique, gna gna gna » mais il y a quand même quelques points noirs à souligner : premièrement, le solo doublé sur "The Trooper" entre Adrian et Janick. Cette initiative qui avait cours il y a une quinzaine d’années se voulait brouillonne et gâchait le plaisir et avait été abandonnée pour revenir (ouf !) à l’échange normal entre Adrian et Dave. Quelle mouche a bien pu les piquer pour remettre cela sur le tapis ?! S’il vous plaît messieurs, que chacun s’occupe de ses soli, cette pique s’adressant plus particulièrement à Janick Gers qui vient fouler les plates-bandes du solo écrit par Adrian en 1983. En vous remerciant. Enfin, et faits totalement incompréhensible aussi, lorsqu’à la toute fin du motif principal de guitare sur "Wasted Years", Adrian laisse Janick (encore lui) prendre le relais. On marche sur la tête... Les fans les plus aiguisés auront peut-être d’ailleurs relevé qu’Adrian avait sans doute dû se lever du pied gauche le 17 juin, faisant une tête de six pieds de long, particulièrement juste après les dernières notes de "Wasted Years" justement. Certes, il n’a jamais eu la jovialité d’un Nicko et se veut bien moins facétieux que Bruce mais quand même, là c’était flagrant.


Bilan des courses : plus de 40 000 personnes comblées sur le site ayant eu les yeux et les oreilles rivés sur cette tournée best-of historique à plus d’un titre, une flopée de morceaux inédits représentant un tiers de la soirée (le doublé d’entrée frappe vraiment très très fort), un décor une fois de plus aux petits oignons avec, première, des écrans digitaux façon kakemono géants de part et d’autre de la scène, plusieurs Eddie, un canon laser (!) pour un combat épique entre Bruce et Eddie remporté – une fois n’est pas coutume – par notre gentil zombie, de nouveaux backdrops magnifiques ("Alexander The Great" ou "Hell On Earth") et un groupe affûté qui a pris ses marques depuis le 28 mai dernier, prouvant une fois de plus que les vieux de la vieille en ont encore sous la pédale. Si l’année 2024 semble déjà promise à les voir s’aventurer au Canada, aux Etats-Unis et en Amérique du Sud, on se surprend à déjà se languir de leur retour chez nous. Mais pour cela, il faudra selon toute vraisemblance attendre 2025, un éventuel nouvel album studio mais nul doute que d’ici là, un testament sonore (et vidéo s’il vous plaît !!!) de cette tournée nous parviendra afin de nous faire patienter. Oui oui, always look on the bright side of life...


Set-list :
Caught Somewhere In Time
Stranger In A Strange Land
The Writing On The Wall
Days Of Future Past
The Time Machine
The Prisoner
Death Of The Celts
Can I Play With Madness
Heaven Can Wait
Alexander The Great
Fear Of The Dark
Iron Maiden
Rappel :
​Hell On Earth
The Trooper
Wasted Years
 

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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