16 juin 2023, 23:59

MÖTLEY CRÜE

@ Clisson (Hellfest Open Air)


Difficile d’éluder la question : MÖTLEY CRÜE en 2023... est-ce que ça a encore le moindre intérêt ?

Flashback. 12 novembre 2015. Monaco, Salle des Etoiles. Les Californiens se produisent pour "The Final Tour". À la fin du show, sans prendre la moindre marge de manœuvre, Philippe, qui les avait longuement interviewés en 1986, à Nuremberg, pour Les Enfants du Rock, lors de la tournée de « Theatre Of Pain », me glisse à l’oreille (avec cet invraisemblable accent que vous aurez forcément en tête en lisant ces mots) : « ouaiiis, c’est bien qu’ils arrêtent là, maintenant, quoâââ, ça reste diiiiigne. » [Ndr : véridique, mot pour mot]. Presque deux ans plus tôt, Vince, Mick, Tommy et Nikki avaient effectivement signé le fameux contrat qui leur interdisait de revenir. "The End", qu’ils disaient... La conférence de presse, les sépultures et tout le tra la la. Une bonne occasion de nous fourguer un énième coffret hors de prix, oui ! En forme de pierre tombale, histoire d’exploiter le concept à fond. La crémation eut un côté plus définitif... pas un hasard que Sixx lui ait préféré le tombeau : un mort, ça se ressuscite !

Car il faut dire la vérité : on s’est tous fait couillonner. Sept ans plus tard, donc, en 2022, tout est oublié avec "The Stadium Tour". Parti à la poubelle, sous l’argument fallacieux que The Dirt (le film) aurait conquis un nouveau public et que, dans sa grande miséricorde, le groupe aurait décidé de repartir sur les routes, afin de dispenser la bonne parole à cette nouvelle génération... swine ? Pfff... Ce qu’il ne faut pas entendre ! Les équipes de com’ de MÖTLEY doivent sacrément taffer, pour sortir autant de bobards que nos dirigeants et nous regarder "les yeux dans les yeux", à la manière de cette crapule de Jérôme Cahuzac... La vérité, c’est que tout cela était savamment programmé. The Dirt ou pas. Et que sans la COVID, cela aurait eu lieu encore bien plus tôt.

Les grands principes, la parole reniée, c’est donc fait. Mais il n’y a pas que les promesses qui sont parties à la poubelle. L’éviction de Mick Mars était – elle aussi – programmée depuis belle lurette ; le début des 80’s, période « Shout At The Devil », pour être plus précis. On parlait alors d’un certain Jake E. Lee pour le remplacer. Il aura donc fallu pas mal de temps à Nikki & Co. pour parvenir à leurs fins, mais l’on sait désormais que Mick n’a pas véritablement joué sur « Generation Swine ». Pas plus que sur « Saints Of Los Angeles » et encore moins sur « New Tattoo », pour lequel il n’avait même pas été invité à composer... tout en étant crédité ! Un coup à faire passer KISS pour des rigolos, lors de l’imbroglio Ace Frehley/Vinnie Vincent, durant l’enregistrement de « Creatures Of The Night »...

Malheureusement, le côté MILLI VANILLI de MÖTLEY CRÜE ne se limitera pas à ça. S’il est désormais acquis que Mick ne joue pas sur les trois derniers albums, Nikki avouait il y a peu à Bob Rock qu’il n’était pas certain d’avoir joué sur les quatre premiers ! Vu que le groupe a sorti 9 albums en... 42 ans, que Vince et Tommy en ont chacun loupé un, la "formation historique" n’aurait finalement enregistré que « Dr. Feelgood » ensemble. Numéro 1 dans les charts américains, certes, mais tout de même... Et puis, après les sex-tapes des 90’s, c’est désormais avec les bandes sons que la formation est soupçonnée de flirter lors de ces "live". Le play-back, est-ce vraiment l’idée que se faisait le jeune Frank Feranna du rock'n'roll, lorsqu’il découvrit Johnny Thunders, guitariste des NEW YORK DOLLS et héros de ces jeunes années ?

Masochiste au possible, l’univers de MÖTLEY CRÜE entremêle intimement le plaisir et la douleur, le masque qui rit, le masque qui pleure : la vie et la mort. Jusqu’à les rendre indissociables, l’un ne pouvant exister sans l’autre. Le même processus semble être à l’œuvre pour la réalité et la fiction... Comme si le mensonge était intrinsèquement agrégé à la vérité. Et vice-versa. À se demander si le délire de Matthew Trippe (qui prétendait avoir remplacé Nikki Sixx une bonne partie des eighties) en était vraiment un ? C’est donc empli de nombreux doutes que je me dirige vers Clisson... Que vais-je donc bien trouver, là-bas... "Fake", neuvième plage du faiblard « New Tattoo » ne serait-il finalement pas autobiographique ? MÖTLEY CRÜE... « The Great Rock'n'Roll Swindle » ?


Vendredi 16 juin. Main Stage 2. 23h10. Machine Gun Kelly vient de terminer son show... et en a visiblement refroidi plus d’un. Aussi élégamment coiffé que ne l’est la Statue de la Liberté, celui qui incarnait – brillamment – Tommy Lee, dans The Dirt, n’a pas trouvé son public. Enfin, si, mais juste son public. Pas les autres. Tommy (le vrai) est pourtant venu cogner les fûts le temps d’un morceau ("Concert For Aliens")... en vain. Pas très encourageant. Côté Main Stage 1, les roadies règlent les derniers détails scénographiques sur la scène du CRÜE, quelques minutes avant que ça ne débute... C’est sur ces mêmes planches que SKID ROW a livré une performance de tout premier plan, en milieu d’après-midi. Erik Grönwall, nouveau chanteur du groupe du New Jersey, a su donner un second souffle à une formation qui peinait à survivre, depuis le départ de Sebastian Bach. Situation similaire pour MÖTLEY, qui doit désormais se passer d’un membre fondateur, beaucoup plus discret que le frontman du SKID, certes, mais qui a façonné le son du groupe à coups de riffs imparables... et lui a accessoirement donné son nom ! Marrant : SKID ROW/MÖTLEY CRÜE, c’était l’affiche de mon tout premier concert de hard/metal. Nous étions le 30 octobre 1989, au Zénith de Paris. Ce fût magique. Et puissant. SKID a fait le taf, aujourd’hui ; c’est au tour de MÖTLEY de nous montrer ce qu’il a dans le ventre* ! Entertainment... or death ?


Il fait nuit noire devant la MS 1. Le public commence à s’impatienter. Moment idéal pour que la sono balance le "(You Gotta) Fight For Your Right (To Party !)" des BEASTIE BOYS... interprété par le CRÜE ! Tout le monde ne le sait pas encore, mais c’est l’un des trois morceaux récemment enregistré par le groupe. La batterie matraque, la guitare s’affole... Bien cool, c’te reprise, en fait. Des BEASTIE à Mozart, il n’y a qu’un p’tit pas pour l’homme et un grand pour l’humanité ; c’est donc bien Wolfgang Amadeus qui prend la relève côté bande son, avec un extrait du "Requiem en ré mineur". On calme les esprits quelques minutes, avant qu’une "Breaking News" n’apparaisse sur les écrans. Le climat est apocalyptique, la tension monte, les fûts de Tommy commencent à trembler et le message s’affiche en grand : « we can’t undo the past but… the future is ours ! » Et le futur, c’est maintenaaaant : John 5 se pointe sur scène et nous salue, suivi de Nikki Sixx. 5 x 6, ça fait 30, et c’est le nombre de secondes qu’il faudra à Vince pour surgir des coulisses et entonner ce couplet que les 40 000 personnes derrière moi connaissent par cœur :

Kneel down ye sinners
To streetwise religion
Greed's been crowned the new king
Hollywood dream teens
Yesterday's trash queens
Save the blessing for the final ring
Amen !
(Take a ride to the ) Wild side !

Wahoouuuu... Il n’aura fallu qu’une minute pour que tout ce qui est écrit juste au-dessus ne s’évapore. Enfin, en partie. Pas totalement fou, le gars... Mais je sais d’entrée, en voyant les trombines de ces quatre canailles, que ce concert va être excellent**. Et tandis que Tommy tient le rythme derrière un p’tit kit qui doit bien le changer de sa "machine à laver" de 1987, époque à laquelle ce titre a vu le jour, Nikki arpente la scène de gauche à droite, lunettes de soleil sur le nez, veste cloutée sur le dos. John 5 a eu la bonne idée de remiser son manteau de berger des Pyrénées au vestiaire et de revêtir ses peintures de guerre, période Marilyn Manson. Vince, lui, a visiblement perdu quelques-uns de ses kilos... mais a conservé intacte une vieille croyance : penser qu’un long manteau l’allonge, là où il ne fait que le boudiner un peu plus. On s’en tape, me direz-vous ? Oui... et non. MÖTLEY, c’est quand même un groupe qui a beaucoup misé sur le physique et sur le look une bonne partie de sa carrière. Alors, quand on compare Tommy ou Nikki à Vince, on n’arrive pas aux mêmes conclusions. Bon, pas grave : le public n’est pas venu là pour mesurer son indice IMC, mais pour kiffer...


L’arrivée des Nasty Habits 2.0 va y contribuer ; les nouvelles recrues succédant à Donna Mc Daniel et feu Emi Canyn. Pas la première fois que le CRÜE ressuscite ce duo apparu – logiquement – sur la tournée de « Girls, Girls, Girls », même si les choristes se sont, depuis, muées en danseuses particulièrement aguicheuses. La jolie blonde aurait d’ailleurs – largement – pu incarner une naïade dans la formidable série conceptuelle Alerte à Malibu... Mister Lee se serait-il octroyé le rôle de DRH pour son recrutement ? Les filles sont superbes, certes, mais les lumières le sont – presque – tout autant. Du bleu, du rose et du rouge : le lightshow est aussi vif et intense qu’il n’est sobre et élégant. Une vraie réussite prouvant, une fois de plus, que les Californiens savent parfaitement s’entourer pour perpétuer ce qui constitue leur marque de fabrique : une scénographie au top. Mais voilà déjà venu le moment du solo et on comprend très vite que John 5 doit composer avec deux éléments contradictoires : respecter l’héritage de Mick Mars sans pour autant renier le virtuose qu’il est. Dans un mouvement dialectique qui ferait pâlir de jalousie Platon himself, le guitariste reste fidèle à la ligne du "1313", tout en l’agrémentant de quelques notes supplémentaires au centimètre carré, elles-mêmes revigorées par des digressions stylistiques qu’il maîtrise à la perfection. Faut être honnête : ça fonctionne plutôt bien et ça donne une nouvelle consistance à un morceau qui fêtera bientôt ses 40 ans.


Consistante, la basse de Nikki l’est aussi. Le temps d’une intro, Sixx prend le lead, une fois "Wild Side" terminée, machouille son chewing-gum comme un G.I. et exhorte la foule. Les lunettes sont à terre, laissant apparaître les deux fameux traits noirs sous chacun de ses yeux verts. Car la machine à remonter le temps nous emmène encore plus loin : précisément en 1983. C’est lourd, c’est brutal, c’est bon, c’est "Shout At The Devil" et le public est aux... anges ! Vince a eu un éclair de génie : se débarrasser de cet infect manteau et il s’arrache désormais le peu de cordes vocales qu’il lui reste pour tenter de retrouver la morgue qui se terrait tout au fond de sa gorge, lors de l’enregistrement de cet opus. Et il s’en sort plutôt bien, y a pas à tortiller du uq. D’ailleurs, les Nasty ont quitté la scène... Plus surprenant, c’est LED ZEPPELIN qui l’investit, puisque ce sont les « aaahhh aahh aaah ah ! » poussés par Robert Plant sur "Immigrant Song" qui résonnent durant l’outro de "Shout". Étonnant, non ? Pas le temps de s’attarder trop longuement sur le questionnement de Desproges : le groupe enchaîne direct sur "Too Fast For Love" et remonte aux origines du mal, en 1981. Noire et blanche, la – nouvelle – veste rayée de Nikki évoque tout autant les leggings-moule-bonbons de LONDON (...prémices de MÖTLEY CRÜE) que ceux du « Theatre Of Pain ». Pourtant, il sera moins question de douleur que de plaisir sur la scène du Hellfest. Les musiciens semblent heureux d’être là et de partager ce moment avec nous. Vince, John et Nikki vont et viennent sur la Main Stage ; ils empiètent constamment sur l’espace des uns et des autres, là où chacun restait tranquillement dans son coin en 2015. Comme si d’invisibles frontières régissaient la zone d’intimité de chacun. La répartition est désormais bien différente, l’énergie aussi... forcément. Pas un hasard, d’ailleurs, que nombre de gimmicks ponctuent la conclusion des morceaux ou leur intro, créant constamment du lien. Du liant, donc. Cela confèrera à l’ensemble du set une véritable homogénéité.


C’est donc un extrait du "Beast Of Burden" des ROLLING STONES qui résonne dans les enceintes, le temps que le chanteur s’équipe de sa guitare aux couleurs du Vince Neil Band, histoire d’assurer la rythmique le temps de quelques accords. Et c’est parti pour "Don't Go Away Mad (Just Go Away)" ! Une jolie ballade qui a contribué au succès international de « Dr. Feelgood », avec sa montée en puissance progressive, puisque le véritable refrain n’est entonné que dans la seconde partie du morceau. Une structure plutôt originale, pour le CRÜE cuvée 1989... John et Tommy ont à peine le temps de conclure en symbiose que, déjà, l’intro de "Saints Of Los Angeles" retentit. Ce sera le premier titre d’un groupe parfait : l’entêtant "SOLA", l’ultra speedé "Live Wire" et "Looks That Kill", titre ravageur s’il en est. Et pendant que John 5 se balade avec des leds en bouche, histoire d’ajouter sa touche personnelle aux lights déjà en place, votre serviteur, installé au deuxième rang (derrière une jeune femme d’1m60... autant dire tout devant), éructe, secoue la tête et jongle entre les nanas et les mecs qui lui passent au-dessus du caillou... tout en prenant des photos et des notes sur son i-Phone. Pas simple, car le public commence à s’exciter grave, à hurler, pogoter et à scander bruyamment « MÖTLEY CRÜE » entre chacun de ces titres. Vince en profite pour communiquer avec la foule, sourire aux lèvres, car il le sait pertinemment : le groupe délivre tout son savoir-faire et toute sa puissance, bien aidé par un son impeccable. Propre, clair, lourd, mais pas seulement ; il est aussi brutal. Un peu à la manière du Rock am Ring de 2005. Et tandis que les Nasty Habits s’affichent dans des déshabillés de plus en plus... hum... déshabillés et dans des positions de plus en plus... hum... impudiques, la guitare de John 5 s’illumine, au sens propre du terme. Un rayonnement supplémentaire qui me permettra d’apercevoir le fameux "gode-mascotte" de Tommy, harnaché sur la gauche de sa batterie. Près de sa boisson... attention à ne pas se tromper, dans la précipitation. Le batteur arbore une drôle de tignasse, avec ses mèches rousses, et il assure ses parties comme un métronome. Bientôt, il investira le devant de la scène...


Mais pour l’instant, c’est Machine Gun Kelly qui y fait son retour, puisque Colson Baker – de son vrai nom – vient ajouter sa voix sur l’un des nouveaux titres du CRÜE (en live) : "The Dirt". Accueilli par quelques sifflets – décidemment... – MGK ne va pourtant pas user de son auto-tunes, contrairement à Vince qui, lui, est clairement soutenu par une petite bande, en fond sonore, qui traîne là par hasard... C’est vrai qu’il a un peu une tête à claques, ce Gun Machin, mais ça ne fonctionne pas si mal. Le son basse/batterie est énorme et puis, faut le dire : ça fait clairement du bien d’entendre un nouveau morceau dans la set-list du groupe. "The Dirt" marque aussi le début d’une nouvelle séquence, dans le déroulé du concert, puisque Nikki s’adresse ensuite au « fuckin’ Hellfest », armé d’un drapeau français... pays avec lequel les rapports ont souvent été compliqués. Une jeune fan (équipée d’une casquette et d’un tee-shirt SIXX:A.M.) le rejoint bientôt sur scène, le temps d’un selfie, avant que le bassiste ne lance le guitariste pour son solo. Paré d’un élégant borsalino noir, John 5 se lâche, trois minutes durant ; largement assez pour comprendre que le champ des possibles est énorme. Espérons que MÖTLEY CRÜE saura habilement l’exploiter, lors des futurs enregistrements. Tout juste le temps de se questionner que, déjà, le groupe embraye sur un medley de reprises passées à la moulinette glamo-punkoïde : "Rock And Roll, Part 2" (Gary Glitter), "Smokin' In The Boys Room" (BROWNSVILLE STATION), "Hellter Skelter" (THE BEATLES), "Anarchy In The U.K." (THE SEX PISTOLS) et "Blitzkrieg Bop" des RAMONES. C’est court, intense, lourd et ça dynamise bien le show, dont la chronologie est extrêmement bien pensée. Mais y en a décidément un qui ne pense qu’à "ça" : c’est Tommy ! Lee s’invite donc sur scène pour un "moment STEEL PANTHER". Alors forcément, après un courtois « Hello mother fuckers ! », le batteur demande aux filles de montrer leurs "tits". Juste derrière moi, un 95D – à vue d’œil – attire mon regard, presque contre ma volonté... D’ailleurs, n’était-ce pas dans le clip de "Home Sweet Home" qu’une jeune femme, bien décidée à se dévêtir, avait été censurée par la puissante MTV ? Ça tombe bien : le piano a été positionné en plein milieu de la scène. Tommy s’y installe et égrène quelques notes, sorte de petite divagation basée sur le thème de l’une des plus célèbres ballades du genre. John 5 l’accompagne dans cette excursion, jusqu’à ce que Vince ne prenne le micro...

You know I'm a dreamer
But my heart's of gold
I had to run away high
So I wouldn't come home low
Just when things went right
It doesn't mean they were always wrong

Et comme au bon vieux temps, ce sont les briquets – plus encore que les téléphones – qui s’illuminent. Conclusion : pas mal de gens qui fument et beaucoup de vieux cons (dont je fais partie) dans la foule. Tommy rejoint ses drums et "Home Sweet Home" prend son envol à coups de roulements, bientôt soutenu par l’un des solos les plus intenses imaginés par Mick Mars... magnifiquement interprété par J5. Joli moment. Ce sera le dernier répit de la soirée, puisque le concert entre dans la dernière de ses phases : dense, fun et fiévreuse. Car tout au loin, c’est bien l’intro de "T.N.T. (Terror 'N Tinseltown)" qui résonne et annonce l’implacable "Dr. Feelgood". Le son est lourd, le riff incisif et les plaques de metal font monter un peu plus la température du magma***... Armé de sa Telecaster, attifé comme un écuyer de la Renaissance et positionné comme un Beatles période "Love Me Do", le blond John 5 ne ressemble pas véritablement au ténébreux Mick Mars. Il ne sonne pas non plus tout à fait comme lui. C’est aussi brut, en fait, mais plus scintillant que ne l’était la Strato du "riff maker". Au final, il faut être honnête : ça tourne aussi bien. L’ensemble est cohérent, homogène et le groupe bien en place. Et tandis qu’il s’équipe à nouveau d’une 6 cordes pour accompagner "Mister Five", Vince prend le temps de présenter les Nasty Habits 2023... et de nous dire tout le bien qu’il pense d’elles. Toujours la même histoire, quoi... "Same Ol' Situation" ! Nikki sollicite la foule, le public tape des mains : normal, le morceau est clairement fait pour. Le lightshow, gris et orange, est sublime. Il va encore gagner en intensité, dans les minutes qui suivent, puisque le moteur des Harley vrombit dans les amplis...


Deux poupées gonflables géantes ont fait leur apparition, à gauche et à droite de la scène, et les Nasty "Girls, Girls, Girls" apparaissent en combinaison ultra moulante, squelette et cyber-organes peints à même le latex. Forcément, la température monte, pour l’un des morceaux emblématiques du CRÜE. L’un des plus représentatifs, aussi, tant la gent féminine a longtemps constitué l’un des principaux centres d’intérêt de leur orgiaque « Decade Of Decadence »... C’est d’ailleurs sur cette toute première compil’ du groupe – il y en aura tellement d’autres !!! – en 1991, que l’on trouve l’excellent "Primal Scream". Un cri primaire qui sera l’avant-dernier titre de la soirée, bien emmené par une ligne de basse démoniaque et par un slide au bottleneck entêtant. Le public lève le poing, les lumières mauves, jaunes et rouges rythment parfaitement le morceau, tandis que Vince assure dignement ses parties vocales, soutenu par une forte reverb’ au moment de franchir le mur des aigus. Mais c’est bien vers le mur du son que le groupe veut nous emmener pour conclure en beauté. Et pour ce faire, une seule solution : le missile "Kickstart My Heart" ! C’est pourtant paré d’un archet que John 5 introduit délicatement le morceau, qu’il caresse langoureusement les cordes de sa guitare... avant de décocher son tir : le power chords qui rend fou ! Et ça marche ! Le public se déchaîne ! Tommy, Nikki, Vince et John sont incisifs et donnent tout ce qu’ils ont. L’objectif ? Nous administrer un bon shot d’adrenaline. Peut-être deux. Ceux-là même qui, d’après la légende, auraient été injectés dans le cœur de Nikki Sixx pour le ramener à la vie, suite à une overdose d’héroïne et à son triste corollaire : l’arrêt cardiaque. L’histoire s’est bien terminée pour le bassiste, en 87, et elle se poursuit avec le même bonheur en 2023. Après 22 années de sobriété. Car ouais, je le dis haut et fort : c’était un putain de bon concert ! Vraiment. Et c’était pas forcément gagné d’avance.


C’est une évidence : comme moi, la majorité du public a apprécié le show. Il faut dire que ce format ramassé d’une heure trente convient parfaitement au groupe, puisqu’il ne perd ni en qualité, ni en dynamisme, tout du long de sa prestation. Pas sûr que ce soit le cas au bout de deux heures. Alors, bien sûr, on peut regretter que certains titres ne soient pas joués et qu’au niveau de la set list, on tourne un peu en rond... On peut aussi dire de Vince qu’il est rincé, que son regard rime avec hagard (pas Sammy, autre amateur de Tequila devant l’Éternel) ou que sa façon de se déplacer tient désormais du grand primate. Pourquoi pas ? On pourrait aussi lui conseiller d’aller regarder ce qui se passe dans l’assiette de Phil Collen, compagnon de route de "The Stadium Tour", histoire de rééquilibrer son microbiote. Évidemment. Mais Vince Neil a derrière lui tout un parcours, des épreuves, des drames. C’est son histoire, il fait avec... et il est toujours debout ! Et franchement, il s’en est très honorablement sorti, ce soir. De manière plus globale, ce sont bien les quatre "chiffonniers bariolés" qui ont assuré, ensemble. Bien pensé, le déroulé du concert formait un tout extrêmement cohérent, sublimé par des visuels particulièrement chiadés, en fond d’écran, et de très belles images d’archive évoquant l’âge d’or de la formation. On a aussi compris que la venue de John 5 s’inscrirait dans la durée, MÖTLEY CRÜE – tout du moins Nikki Sixx – souhaitant tourner jusqu’en 2031 : le demi-siècle du groupe ! D’une façon ou d’une autre, ça explique également le départ de Mick Mars, qui déclarait il y a peu penser vivre encore sept ou huit ans, épuisé par cette spondylarthrite ankylosante qui n’a eu de cesse de torturer son corps. Affaibli par cette maladie dégénérative, Mick semble être dans une toute autre logique. Plus tourné vers la fin que le renouveau, même si son "Another Side Of Mars" laisse à penser que le bonhomme à encore à nous dire ! Bien triste, quoi qu’il en soit, de voir ces compagnons de route qui ont vécu, ensemble, une existence hors-normes, en arriver à se déchirer ouvertement.

Gimme the dirt
Just gimme the dirt
Just gimme what I want 'til it hurts

On y est, là : avec tout ce qu’il balance, Mick va offrir sur un plateau tout ce que MÖTLEY réclamait à cor et à cri... Une rupture pour continuer à avancer, une séparation pour prendre une nouvelle direction ; un point de vue qui n’est pas sans rappeler les paroles de Paul Stanley, dans le documentaire Kisstory : « on ne serait jamais allé aussi loin sans eux et, en même temps, on n’aurait jamais pu rester à ce niveau-là avec Ace et Peter. » Reste à savoir si Nikki va conserver intact le tatouage de Mick Mars gravé sur sa cuisse... ou s’il s’en débarrassera, histoire de tourner une nouvelle émission de téléréalité ? Incontestablement, l’arrivée de John 5 s’inscrit, elle, dans une logique – de développement – durable. Contrairement à Randy Castillo ou à Samantha Maloney, qui venaient assurer l’interim... mais tout comme Corabi (tiens : encore un "John" !) qui était, lui aussi, intronisé pour insuffler une nouvelle dynamique. Sauf que Corabi était jeune, presque sans expérience, catapulté frontman de l’un des groupes les plus illustres de sa génération. Forcément influençable, voire carrément manipulable par ce vieux briscard de Nikki Sixx... Ce ne sera pas la même histoire avec John 5, qui en a vu d’autres et non des moindres, puisque le guitariste ne craint plus grand-chose, pas même les... zombies ! Une nouvelle vie commence donc pour MÖTLEY CRÜE. On espère forcément que les trois nouveaux titres vont être à la hauteur et l’on prie pour que le groupe ait la bonne idée de s’atteler à un véritable album, le dernier en date remontant à… 2008 ! Car on sent un véritable regain d’énergie, l’envie de renouer avec leurs racines, aussi. Pour preuve, ce concert "secret" donné à Londres – comme au temps du gig de 1991, au Marquee – sans artifices, au Club The Underworld, sous le pseudo des DÖGS OF WAR.


En attendant que la guerre n’éclate définitivement, bonne nouvelle, survenue quelques jours seulement avant le Hellfest, mais du côté de la paix, cette fois. Michael Monroe, chanteur de feu HANOI ROCKS, a profité de la venue des Californiens au RockFest, en Finlande, pour venir à la rencontre des MÖTLEY CRÜE. Et plus particulièrement de Vince Neil, presque 40 ans après le drame qui a coûté la vie à Nicholas "Razzle" Dingley, batteur de la formation nordique. L’occasion de clôturer un chapitre douloureux pour les uns, comme pour les autres. Rien ne peut être effacé et l’on ne saura jamais dans quelles sphères la formation finlandaise aurait pu évoluer sans ce terrible accident, mais Monroe a trouvé la force et la sagesse de passer à autre chose. Espérons que Neil – visiblement heureux sur le cliché partagé via les réseaux sociaux – se verra définitivement allégé par ce joli geste. Hé non, je ne parle toujours pas de son poids, bordel !

* Non : je ne parle pas de Vince, bordel !
** Il le sera !
*** Vous croyez vraiment que le séisme enregistré le 16 juin dans l’Ouest de la France et ses répliques du 17 soient le fruit du hasard ?

Set-list :
01 Wild Side
02 Shout At The Devil
03 Too Fast For Love
04 Don't Go Away Mad (Just Go Away)
05 Saints Of Los Angeles
06 Live Wire
07 Looks That Kill
08 The Dirt (Est. 1981) (with Machine Gun Kelly)
09 Guitar Solo
10 Medley : Rock and Roll, Part 2 / Smokin' In The Boys Room / Helter Skelter / Anarchy In The U.K. / Blitzkrieg Bop
11 Home Sweet Home
12 Dr. Feelgood
13 Same Ol' Situation (S.O.S.)
14 Girls, Girls, Girls
15 Primal Scream
16 Kickstart My Heart

Blogger : Stéphane Coquin
Au sujet de l'auteur
Stéphane Coquin
Entre Socrate, Sixx et Senna, impossible de faire un choix… J’ai donc tenté l’impossible ! Dans un mouvement dialectique aussi incompréhensible pour mes proches que pour moi-même, je me suis mis en tête de faire la synthèse de tout ce fourbi (et orbi), afin de rendre ces éléments disparates… cohérents ! L’histoire de ma vie. Version courte. Maîtrise de philo en poche, me voilà devenu journaliste spécialiste en sport auto, avant d’intégrer la valeureuse rédaction de HARD FORCE. Celle-là même qui prit sauvagement part à mes premiers émois métalliques (aïe ! ça fait mal !). Si la boucle n’est pas encore bouclée, l’arrondi est désormais plus que visible (non : je ne parle pas de mon ventre). Preuve que tout se déroule selon le plan – savamment – orchestré… même si j’aimerais que le tempo s’accélère. Bon, et sinon, qu’est-ce que j’écoute comme musique ? Du bon, rien que du bon : Platon, Nietzsche, Hegel et Spinoza ! Mais je ne crache pas non plus sur un bon vieux morceau de Prost, Villeneuve ou Alonso… Comment ça, Christian, faut tout réécrire !?!
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