30 août 2023, 19:37

SILENT SKIES

"Dormant"

Album : Dormant

A la sortie de son premier album, « Satellites » (2020), nous avions émis le souhait de voir perdurer ce groupe pour de nombreuses années, tant la musique qu’il propose est une parenthèse de poésie pure dans ce monde stressant fait de bruits et de fureur. Et loin d’être un projet éphémère, SILENT SKIES s’avère très prolifique. La rencontre de Tom S. Englund, frontman d’EVERGREY et REDEMPTION avec Vikram Shankar (REDEMPTION, LUX TERMINUS...), auteur-compositeur et pianiste de génie, assurant les claviers sur les tournées de PAIN OF SALVATION, a été de celles qui sont faites pour durer, tant les deux hommes sont sur la même longueur d’onde humaine et artistique. Après « Nectar » (2022), voici donc dès à présent « Dormant », le troisième disque du duo magique, encore une fois accompagné de l’excellent Raphael Weinroth-Browne, violoncelliste de LEPROUS ayant aussi participé à de multiples projets. Ce disque est doté d’une couverture magnifique représentant un visage endormi, mi-humain, mi-végétal, dont les pensées et les rêves s’échappent sous forme de feuilles s’envolant dans une brise légère. La nature et le visage sont à ce point liés que l’on ne sait pas qui est à l’origine de l’autre. Une œuvre aussi poétique que le contenu de l’album.

La certitude avec SILENT SKIES de passer un moment hors du temps se concrétise avec les premières notes de "Construct" et la voix de Tom Englund qui s’élève, douce, grave, chaude et porteuse d’une mélancolie ô combien émouvante. Avec toujours des paroles qui immanquablement touchent la corde sensible : « These dreams of light are fears of falling  / You just know inside / That you’re so far from your calling / And if all hope is lost / And everything is broken / Remember that the dark is a construct of hoping » (« Ces rêves de lumière sont autant de craintes de tomber / Tu sais au fond de toi / Que tu es tellement loin de ton destin / Et si tout espoir est perdu / Et que tout est brisé / Souviens-toi que l'obscurité n’est une construction de l'espoir ») Ce premier single est une belle introduction au monde empreint de délicatesse et d’ambiances sombres de SILENT SKIES. Car s’il n’y a point de riffs, de cris et de guitares saturées, la musique du duo est toutefois le reflet des âmes torturées, dans une vie faite d’autant d’obscurité que de lumière. A ce titre, "New Life" est certainement l’un des morceaux les plus poignants du groupe, avec une intensité dramatique qui ressurgit dans ces notes de piano graves, et la voix de Tom Englund porteuse d’une tristesse qui semble inéluctable : « Can I erase these scars I have inside? / Can I leave the old and find new life » (« Puis-je effacer ces cicatrices que j'ai en moi ?/ Puis-je quitter le passé et trouver une nouvelle vie ? ») Ou quand on cherche l’espoir malgré les marques indélébiles des souffrances passées. Le superbe solo de piano auquel se joint le violoncelle de Raphael fait de ce titre l’une des merveilles de cet album. "Churches" a été choisi fort justement comme deuxième single, avec sa mélodie mémorisable et ses arrangements réussis qui donnent une belle progression à l’ensemble. La sincérité qui émane de chaque syllabe est comme une offrande pour l’auditeur. Tom nous donne son âme, son cœur et ses failles sans chercher à se dissimuler derrière une façade artificielle. "Just Above The Clouds" apporte plus de légèreté et de lumière, par opposition aux trois premières chansons. On y décèle une sérénité et un apaisement bienvenus, renforcés par le solo de violoncelle de Raphael Weinroth-Browne. "Reset" met en avant la voix grave de Tom et le piano de Vikram qui se marient dans une étreinte gracile, mêlée de questionnements et de doutes : « What will come of us when everyone wants to be someone else? / What will come of us until we become ourselves? » («Qu’allons-nous devenir alors que tout le monde veut être quelqu'un d'autre ?/ Qu’allons-nous devenir si nous ne devenons pas nous-mêmes ? »)

"Tides" poursuit sur la même lancée, mais l’étreinte se fait plus sensuelle, presque charnelle. Le travail des trois artistes est admirable, tant leur musique est évocatrice de mille couleurs et de mille émotions différentes. "The Real Me" est un très gros coup de cœur, avec son rythme plus marqué et sa progression lui octroyant une amplitude qui emporte l’auditeur dans une spirale de sensations où la lumière l’emporte sur l’obscurité. Et ce, même si le propos de la chanson reste sombre. Car comment ne pas se sentir plus léger lorsqu’on accepte de laisser tomber les masques et de se montrer à visage découvert ? N’est-ce pas aussi la plus belle preuve d’amour et de confiance que l’on puisse offrir à l’autre ? "Light Up The Dark" est, à ce titre, une magnifique déclaration à l’autre, celui (ou celle) qui éclaire nos jours et nos nuits, fusse-t-il un être de chair et de sang, ou bien une philosophie de vie. Ce petit truc en plus qui permet d’avancer, de ne pas baisser les bras devant l’adversité, de se relever malgré les coups, et de poursuivre notre chemin en quête de nos rêves les plus irréalisables : « You light up the dark for me / Sometimes that is all that I need / You give life to my heart / It’s you that I breathe » (« Tu m'éclaires dans l'obscurité / Parfois, c'est tout ce dont j'ai besoin / Tu donnes vie à mon cœur / C'est toi que je respire »)  Très beau morceau avec une fois encore un sublime solo de violoncelle sur le final. Portée par des nappes de claviers légères, "Dormant" est une chanson aérienne qui nous invite à nous réveiller de cette torpeur qui nous anesthésie. Comme le chante Tom Englund : « To change our lives, just stop trying / Believe to the end » (« Pour changer notre vie, il suffit d'arrêter d'essayer / Croire jusqu'au bout ») Bien rares sont ceux qui osent bouleverser leur quotidien, par peur du changement et de l’échec. Ceux qui le font prennent certes des risques, mais ont le courage de croire. Jusqu’au bout.

"The Last On Earth" clôt le chapitre des nouvelles créations de SILENT SKIES de la plus belle des manières. C’est un morceau progressif et puissant émotionnellement, avec un final rythmé, point culminant d’un album tout aussi somptueux que les deux précédents. S’en suivent, sous forme de bonus, trois reprises aussi belles que surprenantes. "The Trooper", de vous-savez-qui, risque de faire bondir les puristes qui rejettent en bloc tous ceux qui osent s’attaquer au répertoire de la Vierge de Fer. Et cependant, Tom Englund et Vikram Shankar proposent une version respectueuse mettant l’accent sur la mélodie et les textes de la chanson, lui donnant une poésie et une sensibilité accrues. Grand classique des années 80, "Dancing In The Dark" de Bruce Springsteen est totalement transfiguré par le changement de tempo et le traitement acoustique. Là encore, les deux artistes offrent un visage différent à une chanson ultra-connue, ce qui permet de la redécouvrir. La voix chaude et mélodieuse de Tom donne une couleur plus intime aux textes. La dernière des reprises, et aussi la plus belle, à mon humble avis, est celle de "Numb" de LINKIN PARK. Etant déjà, à l’origine, éminemment émouvante, la chanson est sublimée par la voix de Tom ainsi que par les claviers et arrangements de Vikram. Tout simplement exceptionnel, et probablement l’un des plus beaux hommages que l’on ait pu faire à cette âme sensible et à fleur de peau qu’était Chester Bennington !

Pour la troisième fois, c’est un sans-faute pour SILENT SKIES qui nous offre là un album sincère, délicat et juste, de la première à la dernière note. Parce que les musiciens ne cherchent pas à se retrancher derrière un mur de son et de fureur, mais exposent leurs âmes sans fard, leurs cœurs qui palpitent et leurs esprits vifs, « Dormant » est une réussite absolue que même les metalleux les plus endurcis gagneraient à découvrir. Ceux qui n’ont pas peur d’essayer les chemins de traverses sont ceux qui font les plus belles rencontres. Et SILENT SKIES fait partie de ces rencontres inoubliables qui nous marquent à jamais.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK