Véritable coup de cœur d’une partie de la rédaction de HARD FORCE depuis la sortie de leur tout premier EP, « Global Suicide » (chronique à retrouver ici), les Norvégiens FIXATION présentent « More Subtle Than Death », premier album que nous attendions avec une certaine fébrilité, tant ce jeune groupe a réussi à nous captiver depuis ses débuts. Il faut dire que le quintet, désormais composé de Jonas W. Hansen (chant), Martin Selen (guitare), Tobias Østerdal (guitare), Martin Gravdal (basse) et Ola Dønnem (batterie), ne manque ni de créativité, ni d’originalité, ni d’inspiration, comme certains d’entre vous ont pu le constater en les découvrant sur scène en première partie de Devin Townsend en mars cette année.
Catalogué (à tort, à notre humble avis) comme metalcore, la musique du groupe se rapproche plus d’un metal alternatif moderne et mélodique aux influences électro, progressives et rock, plus mainstream quelque part entre BRING ME THE HORIZON et THIRTY SECONDS TO MARS (celui des débuts, hein, celui qui savait surprendre en créant de nouveaux sons, et non le groupe d’un Jared Leto égocentrique et imbu de sa personne !) Cependant, l’approche est plus actuelle dans le traitement du son et des orchestrations, et le groupe possède une conscience certaine et une maturité rare chez des musiciens aussi jeunes. Cela se ressent notamment à travers des paroles qui abordent des sujets contemporains, écologiques, psychologiques, soucieux d’un monde en perdition et d’un avenir plus qu’incertain pour les jeunes générations qui héritent de tous les dégâts provoqués par leurs aînés. Santé mentale ("Claustrophobic", "Bleed"), réseaux sociaux envahissants ("More Alive"), planète en danger ("Dystopia") font partie des thèmes évoqués tout au long de cet album, tour à tour heavy, atmosphérique, mélodieux ou épique.
Ainsi, on démarre avec "Impending Fallout", courte chanson aérienne, où dominent les orchestrations, et qui fait office d’intro pour la suite plus percutante. "More Alive" est un morceau au rythme marqué, très dynamique, qui met l’accent sur la prépondérance des réseaux sociaux dans nos vies, à tel point que l’on en devient aveugle sur ce qui se passe réellement autour de nous. Jonas Hansen possède une voix tout à la fois puissante et très mélodique qui retient immédiatement l’attention de l’auditeur. Sans compter que le frontman possède l’art d’écrire des textes puissants dotés de lignes vocales et de refrains accrocheurs, du genre de ceux qui s’impriment dans la cervelle et que l’on ne peut s’empêcher de fredonner. "Stay Awake" a été le premier single choisi en novembre 2021 pour illustrer l’album à venir, et c’est un excellent choix, tant ce morceau reflète à merveille ce qu’est la musique de FIXATION : guitares et rythmes en avant, fluidité des mélodies, voix irrésistible entre douceur et agressivité, production moderne pour un résultat catchy qui happe l’auditeur dès les premières secondes. "Flat Earth" commence en douceur avec un style electro-pop avant d’embrayer sur une rythmique rock vivace. C’est sans doute l’un des morceaux qui se rapproche le plus du 30STM de l’album « This Is War ». Après une intro faite de chœurs d’église, "Ignore The Disarray" se veut plus tranchant avec son approche metal teinté prog. Plus poignant aussi à travers un refrain qui sort des tripes du vocaliste come un cri de désespoir. Morceau très réussi, efficace et addictif.
"Bleed" montre une autre facette du groupe, émouvante, avec cette ballade éthérée toute en délicatesse, sur laquelle le Jonas Hansen montre toute la richesse de sa palette vocale et met ses émotions à nu : « If you don’t heal what hurt you, you’ll bleed on those who never cut you. » (« Si tu ne guéris pas ce qui t'a blessé, tu saigneras sur ceux qui ne t'ont jamais coupé. ») Deuxième single paru en janvier 2022, "Claustrophobic" est également une chanson très personnelle pour le chanteur, décrivant tout le malaise et le mal-être qui l’habitent, le tout sur un rythme effréné, entrecoupé d’un solo de guitare aérien de toute beauté. Un morceau dans l’esprit de BMTH qui devrait plaire au plus grand nombre. Inscrit dans la même veine, mais toutefois plus agressif, "Violent Tendencies" donne une furieuse envie de headbanger et pogoter avec sa batterie trépidante, son refrain énergique et son chœur final qui risque fort de faire un carton en concert.
Pour clore ce premier chapitre de la jeune carrière de FIXATION, "Dystopia" est sans conteste le meilleur morceau que le groupe pouvait nous offrir, tant il regorge de sensibilité, de colère rentrée, de sentiment d’impuissance devant le constat d’une planète détruite impitoyablement et inexorablement par ceux qui la peuplent, nous, ces êtres humains qui ne sommes pas foutus de prendre soin de ce que la nature nous a offert. Avec ses arrangements symphoniques et orchestraux, c’est une sublime chanson à l’intensité poignante qui monte progressivement en tension jusqu’au cri final. « Nous sommes les parasites », effectivement, comme le souligne Jonas Hansen, nous octroyant le droit de phagocyter ce que la Terre a créé pour finalement l’épuiser jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une coquille vide. « It happens so fast, it seems impossible to chase it. Governed by serpents who are too afraid to face that the earth is the source, but we mistreat it as a resource. We are the parasite » (« Tout se passe si vite qu'il semble impossible de maîtriser quoi que ce soit. Gouvernés par des serpents qui n'osent pas affronter le fait que la Terre est la source, mais nous la maltraitons comme une ressource. Nous sommes les parasites. »)
FIXATION est un talent prometteur à suivre de près, qui volera de ses propres ailes une fois qu’il se sera définitivement débarrassé de certaines influences parfois trop présentes. Le titre de l’album, « More Subtle Than Death », est issu d’une citation d’André Gide (« La société sait parfaitement comment tuer une personne et dispose de méthodes plus subtiles que la mort ») qui résume parfaitement les thèmes abordés par FIXATION, un groupe jeune, certes, mais impliqué, cultivé et conscient de l’avenir du monde. Un groupe qui possède la rage de vivre malgré tout et a trouvé une signature sonore pour l’exprimer, avec beaucoup de subtilité et de perspicacité, un sens inné de la mélodie qui fait mouche et une fraicheur revigorante qui se démarque dans la jungle musicale actuelle. Si le quintet poursuit son travail avec la même implication et le même regard sans concession et le même talent d’écriture, il faudra compter sur lui dans les années à venir. C'est tout le mal qu'on leur souhaite.
