13 août 2023, 23:59

Alcatraz Festival

@ Courtrai (Jour 3)

En cette dernière journée de l'Alcatraz Festival, le site est envahi de nombreux festivalier fluo déguisés en Véronique et Davina, comme si Marty et Doc nous avaient transportés dans les années 80. Et oui, la tête d’affiche du jour est ELECTRIC CALLBOY (Prison, 23h20 - 00h50)... que j’éviterai tant l’electrodance vaguement métallisée des Allemands me laissent froid voire me submerge d’un terrible sentiment de gêne. Ayant suscité un réel engouement lors de l’édition 2022, ils ont donc été programmés en clôture du millésime 2023 ; tous les (é)goûts sont dans la nature...

Pour rester dans les groupes qui ne m’ont guère convaincus, quelques mots sur ANNISOKAY (Prison, 11h20 - 12h00) qui a lancé ce dimanche. N’allez pas croire que j’ai une haine farouche des allemands, loin de là, mais leur post "tous les core du monde" est bien terne. Fatigués après avoir joué la veille à Oberhausen, les play boys de Halle-sur-Saale se montrent toutefois avenants et n’hésitent pas à communiquer avec leurs fans... ce qui ne suffit hélas pas à donner un bon concert. Alternance de chant clair et de growls, passages mélodiques – qui a dit « c’est d’la soupe FM ? » – ("Like a Parasite"), éléments electro ("STFU"), la cuisine est bien fade, à peine relevée par des guitares puissantes et une reprise du "Duality" de SLIPKNOT.


Oublions vite ce gras pour nous plonger dans la grâce. L’Helldorado accueille en effet un étonnant et sublime enchaînement de deux formations que tout semble opposer mais qui se retrouvent dans la volonté de plonger l’auditeur dans leur univers, de l’ensevelir sous un drap d’émotions pures. CELESTE (16h25 - 17h15) nous emmène dans un pays où règne l’obscurité la plus dense, ELDER (17h50 - 18h45) nous enrobe de teintes éthérées.
Les Français, pour une fois, ne jouent pas dans le noir, n’utilisent pas de lampes frontales et ne projettent pas de films oppressants. Malgré ces entorses à leurs habitudes, leur musique, aux confins du black, du doom, du progressif, ne perd rien de sa force, de sa puissance ténébreuse, de sa lourdeur vénéneuse, de son parfum de charogne baudelairienne ; toute l’envoûtante et horrible beauté de CELESTE tient dans ce quatrain :

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

ELDER invite à entrer dans un kaléidoscope subtil où s’enroulent en habiles méandres riffs stoner, structures progressives et soli. Comme un long fleuve aux langueurs impassibles, la musique des Américains exilés à Berlin glisse et s’écoule, sereine. De subtiles nuances, d’intelligentes variations parsèment les compositions, jouées avec retenue, timidité presque. Ainsi est le sublime "Catastasis", où respirations apaisées et brèves accélérations se marient en une douce cérémonie. Il suffit de fermer les yeux et de laisser le courant vous guider au fil de contrées merveilleuses et psychédéliques ("Gemini"). Une parenthèse enchantée, une errance délicate et précieuse.


Avant cet enchaînement magique, dans un style tout autre, GRAVE DIGGER (12h25 - 13h10) avait régalé les fans de heavy traditionnel sur la Prison. Bien que placé fort bas sur l’affiche eu égard à leur longévité et à leurs parcours remarquables, les Allemands ont attiré une foule dense, ravie de découvrir les hymnes de cette formation née en 1980. Avant de conclure par leur atout maître, l’incontournable "Heavy Metal Breakdown", ils abattent une série d’as et de rois. Refrains fédérateurs et souffle épique pour "The Dark Of The Sun" et surtout "Excalibur", riffs rapides et soli carrés d'Axel Ritt et sa guitare hachurée pour l’ouverture explosive avec "Lawbreaker" et "Hell Is My Purgatory", passage en espagnol sur "Dia de los Muertos" : quelle belle main ! La voix éraillée de Chris Boltendahl fait merveille comme le joueur de cornemuse sur le celtique "Rebellion". Les apparitions récurrentes du fossoyeur, aussi kitsch que bienvenues, pimentent ce concert qu’Axel finit au pied de la scène, au contact des premiers rangs. Une demi-heure de plus n’aurait pas été de trop... mais, ne nous plaignons pas, car arrivent déjà les légendaires thrashers SACRED REICH (13h40 - 14h25)...


Les vétérans, accompagnés du jeune et talentueux guitariste Joey Radziwill, assènent leurs compositions ultra efficaces avec le sourire, les accompagnent de discours ultra positifs signés par l'incontournable Phill Rind. Les Américains, après un début supersonique avec "The American Way", visitent leurs cinq albums, en insistant sur le plus récent « Awakening » (2019). Ce n’est pas forcément leur meilleur, loin de là, même si "Divide and Conquer" ou le très early METALLICA, "Manifest Reality" sont des titres de qualité. Mais peu importe, l’énergie est bien au rendez-vous, les morceaux sont courts, dynamiques, mélodiques sur les refrains et le chant de Phil sonne parfaitement. Il ne reste qu’à dégainer les classiques pour que les pogos deviennent endiablés. "Independant" et l’enchaînement final "Death Squad"/"Surf Nicaragua" rendent les fans hystériques, notamment le gaillard en casque et treillis qui s’agitent comme si sa vie en dépendait...


Pour conclure cette odyssée métallique de trois jours, une traversée qui s’est déroulée dans une ambiance sereine, avec un sentiment de sécurité totale, place à un triptyque de la mort. La Swamp accueillait en effet, après GATECREEPER, DYING FETUS et KATAKLYSM, un trio de maîtres du genre : DEICIDE (20h30 - 21h30), BLOODBATH (22h20 - 23h20) et HYPOCRISY (00h20 - 1h30).

La bande à Glen Benton, dans un noir parfois strié de rouge, sans la moindre interaction avec le public, joue à une vitesse folle l’intégralité du référentiel « Legion ». La technique des musiciens est hallucinante, le leader passe des growls aux cris aigus avec une étonnante facilité et l’ambiance démoniaque du chef d’œuvre de 1992 jaillit de chacune des notes jouées. Dans la fosse, certains sont subjugués malgré le nombre impressionnant de slammers. Le répertoire de son deuxième album achevé sur l’immense "Revocate The Agitator", le groupe enchaîne, sans la moindre pause, avec trois morceaux de « Once Upon The Cross » avant de conclure par "Scars Of The Crucifix", "Dead By Dawn" et "Homage For Satan". Rien à ajouter : l’hommage à Satan aura été parfait.


Après le premier degré et le style US de DEICIDE, place au sourire narquois de BLOODBATH, pour une heure de death old-school, comme en attestent les t-shirts DEATH ou CELTIC FROST portés par les musiciens. Le groupe, duquel se dégage une belle harmonie, offre des compositions grasses, groovy et inquiétantes ("Zombie Inferno", le  glauque "Eaten", l’intro de "Outnumbering The Day"), parfois puissantes, souvent gorgées de doubles pédales ("Cancer Of The Soul", "Breading Death"). Nick Holmes, à l’aise dans les morceaux qu’il a enregistrés comme dans ceux de ses prédécesseurs, pose son chant caverneux et sinistre sur ces chansons qui fleurent bon la Suède des 90’s, entre ENTOMBED ET DISMEMBER ("So You Die"). La nostalgie dans ce qu’elle a de meilleur.


Le festival se conclut avec HYPOCRISY. Peter Tägtgren, spectre aux longs cheveux blancs, fantôme obscur dans la pénombre, dégage un présence et un charisme impressionnants. Au centre de la scène, devant la batterie posée sur une pyramide évoquant la pochette de « Worship », il se déplace avec majesté, enrobé de fumée. Et quand il commence à growler, la magie est décuplée. Dès "Fractured Millenium", mélodique et agressif, harmonieux et puissant, l’enchantement est total, prélude à plus d’une heure de death racé, asséné avec conviction et brio, riche en mid-tempo de haute facture (l’écrasant "Children Of The Gray", "Chemical Whore"), en refrains accrocheurs ("Fire In The Sky"), en vieilleries satanistes certes datées mais bien brutales ("Impotent God", tiré de « Penetralia », premier album paru en 1992, ou l’excellent "Inferior Devoties" sorti un an plus tard sur « Osculum Obscenum »). Les Suédois concluent avec deux classiques, les superbes "The Final Chapter" et bien sûr "Roswell 47", union parfaite des différentes facettes d’HYPOCRISY, chant quasi black, pesanteur et furie, comme un reflet de l’initial "Fractured Millenium" qui enferme ce concert dans un cercle parfait... à l’image des trois jours passés à Courtrai.

Jour 1
Jour 2
 

Blogger : Christophe Grès
Au sujet de l'auteur
Christophe Grès
Christophe a plongé dans l’univers du hard rock et du metal à la fin de l’adolescence, au tout début des années 90, avec Guns N’ Roses, Iron Maiden – des heures passées à écouter "Live after Death", les yeux plongés dans la mythique illustration du disque ! – et Motörhead. Très vite, cette musique devient une passion de plus en plus envahissante… Une multitude de nouveaux groupes a envahi sa vie, d’Obituary à Dark Throne en passant par Loudblast, Immortal, Paradise Lost... Les Grands Anciens – Black Sabbath, Led Zep, Deep Purple… – sont devenus ses références, comme de sages grands-pères, quand de jeunes furieux sont devenus les rejetons turbulents de la famille. Adorant écrire, il a créé et mené le fanzine A Rebours durant quelques années. Collectionneur dans l’âme, il accumule les set-lists, les vinyles, les CDs, les flyers… au grand désarroi de sa compagne, rétive à l’art métallique.
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