29 avril 2024, 23:59

Slash feat. Myles Kennedy & THE CONSPIRATORS + MAMMOTH WVH

@ Paris (Le Zénith)

Ça en est presque éprouvant pour nos petits nerfs cette histoire : notre relation avec la nébuleuse GUNS N’ ROSES est similaire à un véritable roller-coaster d’émotions, tellement contradictoires. L’on passe depuis plus de 35 ans par des pics d’euphorie et d’excitation, pour retomber peu après dans des abysses vertigineuses et écharpées de déceptions. Et lorsqu’il s’agit des expériences live, les impressions n’en sont que démultipliées : à l’heure où je vous écris, chers confidents, après un Hellfest 2022 que je juge toujours aussi minable et un Power Trip Festival, back to Cali’, pire encore, il en est terminé de mes participations à ces rendez-vous corporate sans âme ni bollocks. Bah, peut-être changerais-je d’avis s’ils se décidaient à booker un Olympia et de n’y jouer qu’une heure ’15 max de leurs morceaux les plus punk, rock'n'roll et sleazy – on peut rêver. Après, vous m’y verrez probablement à nouveau, un autre soir, un autre lieu, si l’opportunité est belle – parce qu’après tout vous le savez bien, je ne suis qu’une de ces putes de journaliste.

Aussi mon jugement à propos de Slash n’était pas aussi dur – mais lucide. Nous avons beau eu le privilège d’être convié à un entretien avec lui la veille du concert (travailler un dimanche !), rien n’effaçait pour autant les souvenirs passés – et notamment ceux de ce dernier Zénith où nous nous étions déplacés en 2014, et dont les images sont restées intactes dans notre perception, même dix ans plus tard – et nous n’éprouvons toujours aucun regret sur ce qui avait suscité tant de polémiques (ICI). Depuis, nous avons revu Slash en festivals, de loin et avec moins de curiosité ou d’implication, et donc été témoins des hauts et des bas des affres guns'n'rosiennes depuis désormais huit années, de la magie de Mexico deux soirs de suite en avril 2016, jusqu’aux dernières catastrophes industrielles.

Toutefois encore ému de notre troisième entrevue avec la bestiole quelques heures plus tôt, nous étions avant tout particulièrement motivés à la perspective de retrouver Wolfgang Van Halen sur les planches : si l’homme est des plus timide et guère à l’aise devant un micro et deux caméras en interview, il est réputé très bon sur scène. Nous l’avions hélas manqué au Palais des Sports en octobre 2022 en première partie d’ALTER BRIDGE, à cause d’un foutu retard de transports, et ne voulions en aucun cas que le plaisir de la découverte soit gâché par l’immensité d’un stade vide et résonnant, en plein jour, en mai dernier avant METALLICA. S’il fallait donc traverser Paris en ce lundi 29 avril, c’était bien pour pouvoir acclamer MAMMOTH WVH dont nous sommes devenus fans, tout spécialement grâce à son deuxième album « Mammoth II ». Et quel bonheur en effet !!! Pile à l’heure selon l’horaire imparti, le fils d’Eddie Van Halen, heureux et souriant, entame sans plus attendre ''Another Celebration At The End Of The World'' et déjà la guitare s’envole avec magie : l’ADN est palpable et même si le style ici pratiqué, bien plus proche d’un HOOBASTANK ou d’un ALTER BRIDGE que du hard rock festif, le talent est immédiatement palpable, discret, classe – et tout autant éruptif. Le groupe qui l’accompagne ne démérite pas, et c’est avec un entrain contagieux que ces hits à lui nous transportent avec euphorie et admiration : deux morceaux du premier (''You’re To Blame'' et ''Don’t Back Down''), et une poignée du suivant, dont ce ''I’m Alright'' qui fait toujours mouche. Mais le point d’orgue de ce très court set, c’est bien la participation de Myles Kennedy à la guitare et en duo sur ce ''Take A Bow'' qui parait taillé pour lui. C’est ce soir la dernière date de la tournée mondiale et l’on pouvait bien s’offrir un tel petit plaisir, même si le concert a été rudement short – six morceaux pour à peine trente petites minutes.

Pour nous, même avec moins d’une demie-heure de satisfaction, la soirée était déjà remplie – comme quoi, de la bonne humeur, de bonnes chansons, de l’enthousiasme et une petite surprise, ça nous suffit, on est pas si bégueule.

Mais il faut savoir rester encore plus humble et honnête : ce qui a suivi a évidemment dépassé toutes nos espérances. Ce concert de Slash, avec Myles Kennedy & The Conspirators, est de loin le meilleur auquel j’ai pu assister depuis... trèèèèèèès longtemps : rarement ne l’avions-nous vu aussi en forme, et surtout aussi habité par sa musique – en tout cas tellement plus qu’en compagnie des GUNS. Dès ''River Is Rising'', et bien qu’il s’agisse ici du tout dernier show d’un long périple mondial, l’homme à chapeau est remonté et ragaillardi, démonstratif et volubile. Assez peu expressif au niveau de son visage, toujours aussi dissimulé derrière ses Aviators, son haut-de-forme et ses bouclettes, tout est dans la silhouette et dans le jeu, vraiment très appliqué et bourré de feeling ce soir. Nous sommes à quelques mètres de lui, en fosse côté droit, et n’en perdons pas une miette tant ce soir, Paris avril 2024, est un grand soir, un triomphe même. Le groupe déploie toute l’artillerie de ses quatre albums en commun – s’ils peuvent souvent faire bailler tant une grosse moitié de leur répertoire ne s’avère pas exceptionnel, là en live la sélection sonne aussi pertinente que dynamisée : même les sept extraits du dernier « 4 », que nous avions carrément boudé puis remisé, sont accrocheuses et captivent notre attention tant les musiciens sont en phase, et ce dès l’entame de ''The River Is Rising'', en passant plus tard par ''Action Speak Louder Than Words'', suivi du très sympathique et plus convaincant ''C’est la Vie''.


C’est d’ailleurs avec le temps et la patine de leur expérience en tant que gang bien plus soudé qu’à ses débuts que toutes ces chansons prennent de l’ampleur, se révélant être de nouveaux classiques, toutes proportions gardées. Reste qu’en effet, des titres comme ''Avalon'', ''Halo'' ou ''You’re A Lie'' ont aujourd’hui toute légitimité, avec une envergure qui manquait à leur début. Mieux : Slash et ses musiciens n’ont désormais nullement besoin de piocher dans le vivier de GUNS N' ROSES. Ça, les plus frustrés peuvent régulièrement aller s’en repaître ailleurs : Slash feat. Myles Kennedy & The Conspirators peuvent allègrement se passer des ''Nightrain'', ''Rocket Queen'', ''Paradise City'' ou ''Sweet Child O’Mine'' que l’on sentait obligés et encombrants pour eux. Seul un percutant et inattendu ''Perfect Crime'' a été asséné en trois minutes chrono, interprété par le bassiste Todd Kerns comme si nous étions encore en 1991 – la nostalgie a parfaitement fonctionné, merci. Kerns assure d’ailleurs comme une bête et a pris bien plus de charisme et d’assurance qu’autrefois : il incarnerait un frontman parfait pour une nouvelle mouture du SLASH’S SNAKEPIT et assure aujourd’hui quatre morceaux en tant que chanteur, dont ce ''Doctor Alibi'' tonitruant popularisé par Lemmy sur le premier album solo de Slash, et également cette bien chouette version du ''Always On The Run'' de Lenny Kravitz, groovy et funky en diable.


Aucun morceau de VELVET REVOLVER non plus au menu, rien d’autre du côté de chez les ROSES, et donc quelques irruptions cradingues et très rock'n'roll distillées dans un set qui restera tout de même sous contrôle, la faute à… La faute à Myles Kennedy. Si l’on admire le chanteur depuis le premier jour dans ALTER BRIDGE il y a vingt ans, il parait toujours aussi propre et poli dans l’équation : s’il chante aussi merveilleusement bien, notamment sur ce ''Starlight'' à pleurer qui l’a révélé chez les fans du guitariste en 2010, il s’affiche bien gauche et peu à son aise sur scène auprès de Slash, l’air démuni, limite mou et bras ballants lorsqu’il n’a plus à porter son micro près du gosier. C’en est même parfois grotesque tant il semble souvent complètement à coté de la plaque et sans charisme, bien gentil mais inutile quand il ne trouve pas de quoi meubler sa présence. Reste l’extraordinaire portée de sa voix aux mille octaves, mais toujours sans se forcer, Myles Kennedy en oublie d’apparaître comme une vraie rock-star sous les rampes de lights, pour n’être qu’un figurant de luxe au casting, même s’il se montre très reconnaissant et heureux d’être encore là auprès de ces musiciens qu’il semble affectionner. Mais visuellement, il dépareille totalement, encore plus face à ce Todd Kerns qui lui a carrément volé la vedette, tant sa fougue rappelle bien plus des rockers de la trempe de SKID ROW ou FASTER PUSSYCAT – et donc davantage en adéquation avec l’esprit recherché sur les titres choisis.


Reste que Slash, l’homme, le guitariste, nous a éclaboussé pendant 2h20 : oui deux heures vingt où le guitar-hero ne s’est pas épargné, notamment sur ce diluvien ''Wicked Stone'', prétexte à un premier très long solo et à un déluge de notes – et déluge de sueur. Il y avait un micro-climat autour du guitariste ruisselant de sueur, et dont les gouttes perlaient à profusion (ça ne devait pas sentir très bon dans son fute en cuir). Soli qu’il a réitéré plus tard sur ''World On Fire'', toujours soutenu par cette assise rythmique plus que solide, et bien plus excitants que ceux opérés sur ''Rocket Queen'' jadis – et ce malgré la fin du set entaché par une coupure de son en façade !

Slash, Myles & The Conspirators sont toutefois revenus pour un long rappel avec tout d’abord cette reprise de ''Rocket Man'', grand classique d’Elton John, puis en conviant l’ami Wolfgang Van Halen le temps d’un très festif ''Highway To Hell'' qui a porté le Zénith à ébullition (chanté à nouveau par Kerns, avec un solo angusien et habité de Wolfie), avant que le groupe ne fasse encore durer le plaisir sur cet ''Anastasia'' final qui a traîné en longueur pour le plus grand bonheur de chacun, sur scène et dans le public. 

Slash a quasiment toujours sorti un album live entre deux disques studio, qu’il s’agisse du « Made In Stock » en 2011, du « Live At The Roxy » en 2015 ou du « Living The Dream Tour » en 2019, double-CD qui se rapproche le plus de ce que nous avons pu vivre ici : il reste donc à souhaiter qu’un nouveau témoignage vienne illustrer ce dernier chapitre fort réussi de la carrière du guitariste. 

Enfin, les doutes fusent désormais sur le futur des Conspirators, entre sa parenthèse blues, l’avenir des GUNS et d’autres projets, mais si jamais ce concert de Paris 2024 devait être le tout dernier de la formation, au moins auront-ils achevé leur collaboration de près de quinze ans sur une note aussi classe que brillante – et su définitivement réconcilier certains déçus.


Photos © Céline Kopp - Portfolio
Photo Mammoth WVH © Anthéa Bouquet

 
© Céline Kopp | HARD FORCE

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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