10 mai 2014, 22:59

DOWN

"Down IV - Part Two"

Album : Down IV - Part Two

​DOWN n'est plus ce "supergroupe" qui faisait encore complètement fantasmer il y a quelques années : depuis que les Américains ont enfin choisi de tourner à plein temps et plein régime pour soutenir la sortie de "Over The Under" - souvenez-vous de la toute première fois, l’Elysée-Montmartre de juin 2006...- et qu'ils ont par conséquent anéanti toute l’aura de mystère qui les entourait alors depuis la sortie de "Nola" en 1995...
DOWN n'est plus non plus ce "supergroupe" depuis le départ de deux de ses membres cruciaux, Rex Brown à la basse et l'incontournable Kirk Windstein à la seconde des twin-guitars : désormais, DOWN est le groupe principal de Phil Anselmo, établi, rentable, culte et qui le sait. Anselmo qui part s'amuser illégalement ailleurs avec ses patibulaires nouveaux lieutenants, prenant au final bien moins de temps, d'énergie et de folie pour butiner ci et là avec une gueulante ou un coup de riffs dans moults autres projets black, death, crust, hardcore ou what-the-fuck-else metal comme il en avait l'habitude, tel ce stackhanoviste de la défonce et des projets barrés sans lendemains, faisant passer il y a encore peu Devin Townsend pour un fidèle conservateur méthodique.

DOWN n'est plus vraiment un groupe si sulfureux ni dangereux : on a bien vu Anselmo s'amuser comme un petit fou au Hellfest dernier, par deux fois avec son groupe (le deuxième concert surprise, anthologique, est rentré dans la légende pour le coup), ainsi qu’en jammant avec ACCEPT ou encore VOIVOD... il aura presque fallu le retenir pour qu'il n'aille rejoindre Joe Elliott au micro pour les choeurs de "Love Bites". Et avec quelque embonpoint, le bonhomme se montre désormais bien plus accessible, affable, sympathique, pépère, voire rigolo : plus tellement impressionnant et presque caricatural par moments, la légende metal a un peu pris cher ces quelques dernières années : celui qui aurait pu foutre Henry Rollins KO en un coup de boule, n'effraie désormais plus que les micros Shure fracassés sur son front à tout bout de champ. Give the mic' a Gimmick..

S'il préfère néanmoins faire fructifier sa légende sur toutes les routes et festivals possibles, DOWN doit néanmoins passer par la case studio de temps en temps, et a choisi, prudemment, de proposer sa nouvelle oeuvre en quatre temps : plus fort que "Use Your Illusions", le quadruple-EP. Et en quatre ans, s’il vous plait. SKID ROW suivra peu de temps après avec sa propre trilogie d’EPs - tiens, Dave Sabo est aussi le tour-manager de DOWN - probablement une coïncidence !

Malgré quelques bons morceaux (notamment le prodigieux single "Witchtripper", aussi clichesque fut-il), le premier EP s’avérait, avec bien du recul, plutôt en-deçà des productions précédentes, et donc des trois excellents albums du groupe -le niveau d’exigence étant, faut-il le dire, particulièrement élevé. "IV Part 1" était en effet plus confus, très moyennement mis en boîte, et Anselmo semblait s’être plutôt endormi sur des lauriers de ganja tressée.

Malgré une certaine prudence, et après écoutes et réécoutes répétées depuis un mois, on peut franchement s'avancer en disant que "Part 2" est foutrement bien mieux construit et plus abouti que le premier, mieux produit, que les départs de Rex et Kirk ne s’avèrent au final pas si significatifs et que cette nouvelle paire de guitaristes a foutrement bien bossé et mis les bouchées doubles : le nouveau Bobby Landgraf (mais déjà un vétéran dans le cercle des lascars) et Pepper Keenan ont abouti un très gros boulot, amassé un sacré paquet de riffs (133 comptabilisés semblerait-il !!!), se sont autant échinés sur des structures bien plus alambiquées que de coutume, ainsi que sur des soli très efficaces, notamment sur le très 70’s "Sufferer’s Years", autre grand moment de ce second tome qui nous enthousiasme finalement bien davantage. Et Phil Anselmo de chanter bien plus précisément aussi, bénéficiant de ce gros sursaut d'effort collectif pour affiner et moduler sa voix : non, il ne nous fait pas du "Cemetery Gates" non plus, mais retrouve autant sa hargne, sa rage, sa défonce, le talent et le panache qui le caractérisaient tant : écoutons le gueuler sur "Hogshead Dogshead", c’est même carrément rassurant ! Sans jamais vouloir mentionner PANTERA, "Nola" reste sans conteste l’un des albums d’Anselmo les plus jouissifs de l’histoire du heavy-metal de ces vingt dernières années, ever.

L’un des gros points forts qui nous remet instantanément dans l’esprit de ce même disque vénéré : "We Knew Him Well", riff goudronneux en boucle, assurément LE morceau de l’EP, rampant, inquiétant, über-heavy, et suffisamment court pour le rendre aussi abrupte, dense, et définitif -à force de se le farcir, over and over again, on réalise pleinement qu’il s’agit-là d’un titre exceptionnel.
Plus BLACK SABBATH encore que nature : on imaginerait mal un titre aussi dégueulasse de noirceur et de pesanteur naître dans le confort - non plutôt dans la cabane branlante d'un clan consanguin niché dans la mangrove des bayous ; morceau-fleuve de huit minutes et pièce-maîtresse, "Conjure" aurait eu sa place sur "13" si Osbourne, Iommi & Co n'avaient pas joué une certaine sécurité, ou plus exactement s'ils étaient encore des crève-la-dalle en train de jammer sur les futures compositions "Master Of Reality" -on nage ici en plein mélasse, quintessence absolue d’un savoir-faire entre le doom originel et la tradition du genre made in Louisiana : moins sludgy que certains congénères édentés, mais tout aussi lourd et mieux travaillé.

Enfin, les deux dernières minutes et demie annonceraient le troisième opus de 2015, qui serait plus centré sur de l'acoustique à en croire leurs projets -mais rien, rien n'est encore écrit ni figé... Cependant, en rien le final lumineux, aéré et acoustique du pourtant très doom "Bacchanalia" ne peuvent venir se mesurer au monumental et poignant "Jail" sur "Nola" : cette beauté vénéneuse surpassait non seulement la reprise du "Planet Caravan" de SABBATH par PANTERA, mais également l'originale....

Si DOWN reste d’évidence l’un de nos groupes de chevet, on ne peut nier qu’il fonctionne donc désormais de manière bien plus classique, même si l’exercice de l’EP permette d’éviter à chaque enregistrement tout remplissage et indigestion, et permette une concision absolue de leurs propos. Sans être donc révolutionnaire et en se reposant sur une formule qui a fait ses preuves, "IV Part I" génère l’enthousiasme : toujours aussi old school dans le fond que sensiblement plus sophistiqué dans la forme, cette nouvelle collection de six morceaux n’a pas trop à souffrir de la comparaison au sein d’un sacré répertoire... Aujourd’hui, l’heure est donc aux pronostics quant à la couleur musicale dominante des Part 3 & 4. Rendez-vous en 2015 et 2016 !

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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